• Dans beaucoup de livres d’Histoire, surtout les plus anciens, Jeanne d’Arc est désignée comme étant « lorraine ».  Est-ce bien vrai ?

    Domremy.

    Son village natal est Domremy, aujourd’hui Domrémy-la-Pucelle, département des Vosges, dans l’arrondissement de Neufchâteau et le canton de Coussey.

    Domremy se trouvait, au début du quinzième siècle, dans le Barrois. En 1301, le traité de Bruges fit passer une partie du Barrois, celle qui était située à l’ouest de la Meuse, dans la mouvance du royaume de France : le comte de Bar dut se reconnaître vassal du roi de France. Pour affirmer sa présence dans la région, celui-ci acquit la châtellenie de Vaucouleurs dans les années 1334 – 1335. Un des vassaux du comte de Bar, devenu duc en 1354, était le seigneur de Bourlémont, également seigneur de Frébécourt, Greux, Domremy et Vouthon.

    Les deux paroisses de Domremy et Greux avaient été réunies vers 1295 et avaient dès lors le même curé, mais les deux villages restaient distincts de même que leur situation administrative. Greux mais aussi quelques maisons de Domremy relevaient de l’abbaye de Mureaux, au diocèse de Toul. Inversement, quelques maisons situées à Greux appartenaient au seigneur de Bourlémont, qui pouvait se dire « seigneur de Domremy et de Greux en partie ». La limite entre les deux villages, matérialisée par le ruisseau des Trois Fontaines, passait à 150 mètres au nord de l’église de Domremy, elle-même contiguë à la maison de Jeanne d’Arc, située au sud-ouest de cette église. Domremy relevait, au-delà du seigneur de Bourlémont, du duc de Bar, lui-même vassal du roi de France. Greux relevait directement, depuis 1291, de la couronne de France, gardienne de l’abbaye de Mureaux.

    En 1425, le seigneur de Domremy était Jeanne de Joinville, petite-fille de Jean de Bourlémont par sa mère, Jeanne, qui avait épousé André de Joinville, seigneur de Pulligny. Femme en premières noces de Henri d’Ogéviller, Jeanne de Joinville se remaria en 1429 à Jean IV, comte de Salm, qui se fit tuer à Bulgnéville le 2 juillet 1431 au service de René d’Anjou.

    Qui était René d’Anjou ? Il porte d’abord le titre de comte de Guise et, en 1420, il épouse Isabelle de Lorraine, fille et héritière du duc Charles II. Charles de Lorraine mourut le 25 janvier 1431. René d’Anjou se retrouve en guerre avec Antoine de Vaudémont, cousin d’Isabelle de Lorraine, soutenu par le duc de Bourgogne. Il finit par être capturé après sa défaite à Bulgnéville et, libéré le 1er mai 1432, il réussit à faire confirmer son titre de duc de Lorraine par l’empereur Sigismond le 24 avril 1434. Il ne faut pas oublier que le duché de Lorraine était alors « terre d’empire ».

    Fief du duché de Bar, Domremy n’était pas, politiquement, en Lorraine, mais, étant enclavé au milieu de possessions lorraines (Maxey, Coussey et Neufchâteau), il était considéré en France comme faisant partie des « marches de Lorraine », tandis que Greux était rattaché à la Champagne. La question qu’on peut se poser est la suivante : Jeanne d’Arc se sentait-elle « lorraine » ou « barroise » ? Qu’était pour elle le duc de Bar, son prince territorial ? Le plus clair est qu’elle s’estimait surtout du royaume de France, que sa dévotion allait au roi de France. Une opération de grande envergure des Anglo-Bourguignons, en juillet 1428, semble avoir été la raison de la fuite des habitants de Domremy jusqu’à Neufchâteau. Si Jeanne d’Arc se rendit en janvier - février 1429 à Vaucouleurs plutôt qu’à Neufchâteau, c’est que le capitaine de cette dernière localité était alors bourguignon et que la ville avait fait retour dans les mains du duc de Lorraine. Pourquoi Jeanne rencontra-t-elle le duc Charles II de Lorraine, vraisemblablement à Toul, fin janvier ou au début de février 1429, pour lui exposer son intention d’aller « en France » ? Domremy se trouvant plutôt aux confins du « Barrois mouvant » et de la Champagne, on peut s’interroger sur la démarche.

    François Villon, dans la Ballade des dames du temps jadis, chante « Jeanne la bonne Lorraine, qu’Anglais brûlèrent à Rouen »  et il n’est pas le seul à voir en Jeanne une Lorraine.

    Jeanne d’Arc était donc bien une Barroise, dans la mouvance du royaume de France, plutôt qu’une Lorraine dans la mouvance de l’Empire.

     


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  • Robert de Baudricourt.

    Robert de Baudricourt, seigneur de Baudricourt et Blaise, est mort en 1454. Fils de Liébaud de Baudricourt, chambellan du duc Robert de Bar, et de Marguerite d’Aunoy, dame de Blaise en Bassigny, il est capitaine de Vaucouleurs probablement dès 1415 et assurément à partir de 1419. Il lutte énergiquement contre les incursions bourguignonnes, remportant ainsi en juillet 1419 à Maxey-sur-Meuse, en face de Domremy, de l’autre côté du fleuve, un combat mené aux côtés de Robert de Sarrebruck, dit le damoiseau de Commercy. En 1420, il arrête les membres d’une ambassade bourguignonne venue sommer le cardinal de Bar de jurer le traité de Troyes. Le 25 janvier 1424, son allié le damoiseau de Commercy doit se rendre au gouverneur du Barrois, Jean IV de Salm, et s’allier avec les Bourguignons. Le 2 juin 1424, Henri VI concède la place de Blaise, confisquée sur Robert de Baudricourt, au Bourguignon Antoine de Vergy, maréchal de France pour Henri VI. Ainsi pressé de tous côtés, Baudricourt mène des raids en territoire bourguignon, ravageant tout sur son passage. Tout en étant capitaine de Vaucouleurs pour le roi de France, il est lié à René d’Anjou, duc de Bar, avec qui il entretient une correspondance régulière. Il doit conclure un armistice en août 1428 avec les forces bourguignonnes qui, au nom de Henri VI, menacent directement Vaucouleurs. Cette trêve, dont on ne connaît pas les termes exacts, le laisse maître de Vaucouleurs, probablement à la condition de ne plus en sortir. Le 31 mars 1427, il reçoit une délégation des habitants de Domremy, menée par Jacques d’Arc, à propos de la rançon que le village doit payer au damoiseau de Commercy. Vers la mi-mai 1428, Jeanne d’Arc aurait fait une première tentative, aux dires de Bertrand de Poulengy, pour être reçue par Baudricourt, lequel la renvoie en intimant à Durand Laxart de la ramener chez elle avec une paire de claques. C’est probablement à la fin de l’année 1428 qu’i reçoit pour la deuxième fois Jeanne d’Arc qui lui demande de la faire accompagner auprès du dauphin Charles. Au bout de six semaines, il la fait conduire par Jean de Metz auprès du duc de Lorraine, jusqu’à Toul, demande un exorcisme à son retour, puis la fait escorter par Jean de Metz et Bertrand de Poulengy jusqu’à Chinon. Au moment du départ, le 13 ou 14 février 1429, il lui confie une épée en lui disant « va, et advienne que pourra », et une lettre qui facilite grandement son admission auprès de Charles VII. En ce moment précis, que pense-t-il de cette petite illuminée, laquelle lui aurait dit le secret de ses révélations pour mieux le convaincre et l’aurait reconnu grâce à sa ou ses voix ? On peut imaginer que Baudricourt lui ait fait confiance, à sa manière, d’où la lettre qu’il écrit en sa faveur, destinée en quelque sorte à cautionner son entreprise auprès du roi.

    Sa conduite lors de la bataille de Bulgnéville, le 2 juillet 1431, n’est guère glorieuse : il n’hésite pas à fuir dès qu’il voit que les choses tournent mal. Cela ne l’empêche pas de conserver la confiance du duc de Bar qui, devenu le roi René, en fait un de ses exécuteurs testamentaires (testament du 29 mai 1453).

    Il est bailli de Chaumont en Bassigny à partir du 17 octobre 1437 jusqu’à sa mort. Son office passera ensuite à son gendre Geoffroy de Saint-Belin, époux de sa fille Marguerite.

    Veuf de Catherine de Chancey (ou Sancy), il avait épousé en 1425 Aléarde de Chambley, veuve de Jean de Manonville.

    Leur fils Jean de Baudricourt sera créé maréchal de France le 21 janvier 1486, gouverneur de Bourgogne de 1481 à 1499. Il mourra le 11 mai 1499 à Blois. Il n’eut aucune postérité de son mariage avec Anne de Beaujeu, veuve du maréchal de Culan.

    Armoiries du maréchal de Baudricourt : D’or, au lion de sable, couronné et lampassé de gueules.  

    La généalogie des Baudricourt est donnée dans l’« Histoire généalogique et chronologique… » dite du Père Anselme, troisième édition (1733), tome 7 pages 112 à 114.

     


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  • A propos de Jeanne d’Arc.

    Tout le monde sait combien Jeanne d’Arc est célèbre. Mais il faut bien dire l’incroyable disproportion qu’il y a entre la brièveté de son existence et l’étendue de sa gloire posthume.

    Son action politique et militaire dure dix-sept mois à peine mais fait penser à un conte.
    En effet, après une entrevue avec Charles II, duc de Lorraine, elle part de Vaucouleurs vers le 13 février 1429 pour la France. À la fin du même mois, le 25 février, elle a sa première entrevue avec Charles VII « le roi de Bourges », à Chinon. Dès la fin du mois d’avril elle entre dans Orléans assiégée par les Anglais. Elle participe aux combats qui conduisent à la fin du siège le 8 mai. Le 12 juin elle est à la prise de Jargeau, à la libération de Beaugency le 17, à la victoire de Patay le 18. Elle assiste à la reddition de Troyes le 10 juillet. Puis elle assiste au sacre et au couronnement du roi Charles VII à Reims, le 17 juillet. Que Jeanne ait été constamment entourée, conduite même, on peut le penser. Il est même probable qu’elle ait été utilisée par la Maison d’Anjou et par son chef, Yolande d’Aragon - la belle-mère du roi Charles – avant d’être abandonnée par la Cour et livrée à elle-même. Après le sacre de Charles VII, je résume bien sûr, Jeanne va mener des combats intermittents jusqu’au 23 mai 1430, jour de sa capture par les Bourguignons à Margny-lès-Compiègne.  Leur chef, Jean de Luxembourg, obéissant aux injonctions de l’université de Paris, la livra aux Anglais contre rançon. Elle fut retenue prisonnière de château en château dans le Vermandois, Arras, Le Crotoy, Dieppe.  Les gens d’Eglise ayant décidé de la juger, le procès eut lieu à Rouen, où elle arriva le 23 décembre 1430, et fut instruit par l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, assisté du vice-inquisiteur de France, Jean Le Maître. Le procès dura de janvier 1431 jusqu’au 29 mai 1431. Condamnée, elle fut brûlée vive le lendemain matin sur la place du Vieux-Marché. Elle avait dix-neuf ans !
     

    L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais Charles VII, qui n’avait rien fait pour la sauver, attendit la prise de Rouen, en 1450, pour ouvrir une enquête sur son procès.

    D’autre part, répondant à une supplique de la famille de Jeanne d’Arc, le pape Calixte III (Alonso Borgia) ordonna en juin 1455 un nouveau procès en révision  de la « Pucelle d’Orléans ». Le pape désigne trois juges pour « décider ce qui est juste » : Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, Guillaume Chartier, évêque de Paris, et Richard Olivier, évêque de Coutances. Ils doivent s’adjoindre un « délégué pour l’hérésie dans le royaume de France », ce sera Jean Bréhal, et divers sous-inquisiteur au diocèse de Beauvais. La sentence de réhabilitation de Jeanne fut donnée le 7 juillet 1456, et communiquée au Vatican. Le tribunal a annulé le jugement de Rouen : la bergère est lavée de toute faute.
    Durant près de quatre siècles la mémoire de Jeanne disparaît. 

    Au XIXe siècle on assiste au grand retour !

    Elle est l’héroïne rêvée d’une époque hystérisée par la construction de l’identité nationale française. Un procès en canonisation débute en 1897, Jeanne d’Arc est béatifiée le 18 avril 1909 puis canonisée en 1920. La grandiose cérémonie de canonisation se déroula à Rome le dimanche 16 mai 1920. En 1922 le pape Pie XI, Achille Ratti, proclame Jeanne d’Arc « patronne secondaire de la France », la Vierge Marie demeurant la patronne principale du pays. Le calendrier liturgique fixe la fête de Jeanne d’Arc le 30 mai.

    Quand la grande histoire ne suffit plus, on se replie sur la petite, on ressort la énième version des thèses les plus farfelues à son sujet : elle ne serait pas morte sur le bûcher, elle aurait survécu, ce ne serait pas une « bergère » mais la fille cachée d’un personnage très important. Tout ça fait vendre des livres et des magazines. Toutes les élucubrations possibles et imaginables reviennent périodiquement, surtout en France. On voit mal pourquoi le cours s’en arrêterait.
    On trouve moyen de parler d’elle, il n’est que de voir tous ces livres et ces films la concernant !

     


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  • REMI (saint Rémi).

    Remi est cité surtout dans l’histoire du roi franc Clovis Ier.

    La figure de saint Remi (vers 440-530) est associée à jamais au baptême du roi Clovis mais la vie de cet évêque ne se limite pas à cet événement. Remi est issu d’une riche famille gallo-romaine qui possédait de grands biens. Il est né dans les environs de Laon vers 440, il a reçu une bonne éducation comme en témoigne vers 471 son ami Sidoine Apollinaire dans une lettre qui fait l’éloge des declamationes de l’évêque, c’est-à-dire des exercices de rhétorique (Lettre, IX, 7). Entre 20 et 25 ans, donc très jeune, Remi est choisi pour être évêque de Reims, capitale de la province Belgique seconde. Cette région était entre les mains de quelques troupes romaines mais surtout du roi franc Childéric. En 480, après la mort de ce dernier, Remi envoie une lettre à son successeur Clovis pour le féliciter de son avènement et lui donner des conseils, ce qui a pu paraître étonnant de la part d’un évêque chrétien écrivant à un barbare païen. Il lui dit de s’entourer de bons conseillers et de recourir aux conseils de prêtres. Cette lettre a déjà le ton d’un « miroir de prince ». Remi connaît sans doute les bonnes dispositions de Clovis. Après la bataille de Soissons, il lui fait rendre le vase liturgique qui avait été dérobé. Enfin, il prépare Clovis à son baptême à Reims la nuit de Noël (499 ?). Si Remi n’est pas au concile d’Orléans en 511, du moins la province de Reims est représentée par les évêques de Soissons, Amiens, Senlis et du Vermandois. Après la mort de Clovis, Reims devient la capitale du royaume de son fils Thierry Ier (511-533).

    Remi montre une grande activité dans sa province. Il installe ses parents et amis dans les évêchés de Soissons, Amiens, Châlons-sur-Marne, Thérouanne. Il crée, nous dit Flodoard, l’évêché de Laon. Il confie à saint Vaast l’évangélisation des régions d’Arras et de Cambrai. Il secourt les détresses, crée une « matricule » pour les pauvres. Il lègue beaucoup de biens à des églises et affranchit les esclaves. Il meurt très âgé vers 530 et est enterré dans la basilique qui portera peu après son nom.

    La vie de saint Remi nous est connue par Grégoire de Tours mais aussi deux biographies. Une Vie brève, attribuée à Fortunat, en fait du VIIIe siècle, est remplie de miracles. Au IXe siècle l’archevêque de Reims, Hincmar, écrivit une importante Vie de saint Remi, texte intéressant mais souvent peu historique. Pourtant c’est grâce à Hincmar que nous avons le long testament de l’évêque sur lequel on a beaucoup discuté mais qui aujourd’hui est considéré comme authentique. En outre, nous avons gardé quatre lettres de Remi : deux à Clovis après son avènement et après la mort de sa sœur Aldoflède, une à l’évêque Falcon de Maastricht coupable d’avoir ordonné un clerc de Mouzon, alors dans la province de Reims, et une autre à trois évêques (Héraclius de Paris, Léon de Sens et Théodose d’Auxerre) à propos du prêtre Claude ordonné sur la recommandation de Clovis.

    Michel Rouche  a produit, dans son livre Clovis paru en 1996, les quatre lettres et le testament de Remi traduits  et commentés.


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  • Gaucelm Faidit.

    Né vers 1185 ( ?), Gaucelm Faidit était originaire d’Uzerche (Corrèze). Grand voyageur, on le trouve en Auvergne, en Italie, en Palestine et en… France. Il est le seul troubadour, avec Richard Cœur de Lion, à avoir composé une chanson entière en français, une retroencha précisément. Il se déplaçait au gré des résidences et des déplacements de ses protecteurs, Dalfin d’Alvèrnhe, Boniface de Montferrat et Richard. Peut-être mourut-il en terre sainte, peut-être finit-il ses jours dans son Limousin natal.

    On a conservé de lui soixante-cinq pièces, dont quatorze avec leur mélodie. Ce sont pour la plupart des chansons, dans lesquelles Gaucelm chante l’amour, en s’adressant à Guischarda de Beaujeu, à Marguerite d’Aubusson, ou encore à Maria de Ventadorn. Le biographe du poète, qui ne l’aimait assurément pas, fait de lui un gros mangeur et un grand buveur, qui se serait ruiné au jeu et aurait épousé une prostituée. De fait, Gaucelm était sans doute un cadet de famille qui possédait une terre par héritage. D’après le « Dictionnaire de la musique » Larousse « entré à la cour de Boniface de Montferrat, il partit avec lui en croisade et en revint en 1204 ; il serait mort vers 1220 ».

    Mais d’autres disent qu’il serait né vers 1150 et mort vers 1205 (Wikipédia).

    Un collège porte son nom à Uzerche.

    En plus de ses chansons d’amour, Gaucelm est célèbre aussi par un planh écrit à l’occasion de la mort de Richard Cœur de Lion. Ce très beau poème a été composé par le troubadour au lendemain certainement de la mort de Richard, avant que l’on sache si son successeur au trône d’Angleterre serait Arthur de Bretagne ou Jean Sans Terre. C’est donc un planh, une complainte, jailli sous le choc de l’événement.  Gaucelm Faidit est célébré, également, pour avoir chanté bien avant Du Bellay l’amour du pays natal.


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