• Guillaume le Maréchal, le "meilleur chevalier du monde".

    Guillaume le Maréchal,

    comte de Striguil
    et de Pembroke.


    Ce personnage a été sorti de l’ombre et médiatisé en France par Georges Duby il y a une trentaine d’années.
    Le récit de la vie de Guillaume le Maréchal nous est parvenu dans un manuscrit unique, cent vingt-sept feuilles de parchemin, dû à un trouvère dénommé Jean. Paul Meyer procura de l’Histoire une édition en trois volumes publiés pour la Société de l’Histoire de France en 1891, 1894 et 1901. Plus tard, en 1933, parut à Baltimore l’ouvrage de Sydney Painter « William Marshal, knight-errant, Baron and Regent of England ».
    C’est d’abord à Radio France dans la série des « Inconnus de l’histoire », cent-vingt-trois émissions diffusées sur France Culture entre octobre 1981 et avril 1984, que fut évoquée la vie de Guillaume le Maréchal, puis le livre de Georges Duby paru à la fin de l’année 1984 « Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde » vint parachever cette résurrection.

    Alors qui fut ce Guillaume ?
    Il naquit en 1147. Cadet issu d’un lignage modeste qui a fait souche en Angleterre après la conquête normande, il doit son nom de famille à certains de ses prédécesseurs qui ont occupé l’office de maréchal des rois anglo-normands.
    La dignité de Maréchal d’Angleterre, créée par les rois anglo-normands, fut héréditaire dans cette famille qui, de cette, fonction, tira son surnom de Marshal.
    Le père, Jean, le grand-père, Gilbert, furent aussi « Maréchal » comme Guillaume. Gilbert avait rempli cette fonction auprès du roi d’Angleterre, Henri Ier.
    Mais il est aussi, par sa mère, le neveu du comte Patrice de Salisbury. Après avoir fait son apprentissage militaire dans la maison de son cousin Guillaume de Tancarville, il est armé chevalier vers 1167.

    Dès lors, durant plusieurs années, il cherche fortune et notoriété dans les tournois que l’aristocratie de la France du Nord organise. Et lorsque Jean  le Trouvère traite des années 1173-1183, il ne parle à peu près que de tournois : sa biographie de Guillaume en cite seize ! Presque toujours victorieux !
    Au service des Plantagenêts (le roi Henri II, son fils aîné Henri le Jeune puis les cadets Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre), Guillaume manœuvre pour rester loyal à des hommages multiples en dépit des intrigues qui déchirent ses suzerains. Guillaume entre en contact en 1185 avec les Templiers, lors d’un pèlerinage en Terre sainte. En 1189, sa fidélité aux Plantagenêts lui vaut l’octroi par le roi Richard de la main d’une très riche héritière, Isabelle de Clare, fille du comte de Pembroke Richard Strongbow, et petite-fille du dernier roi de Leinster Dermot Mac Murrough, dont la fille, Aoife, fut « donnée » à Richard de Clare. Ce qui fait qu’Isabelle, de par sa mère, possédait presque le quart de l’Irlande ! Par ce tardif mariage, Guillaume accède au rang des barons qui dominent le royaume et acquiert progressivement les éléments du pouvoir politique. Il fut créé comte de Pembroke le 27 mai 1199, jour du couronnement de Jean sans Terre. Un seigneur de la région de Londres, Robert Fitzgautier, se réfugia en France en 1212. Il devait se battre aux côtés de Louis de France et être capturé par Guillaume le Maréchal.

    La régence dont le charge avant de mourir Jean sans Terre, en 1216, pour le compte de son fils mineur, constitue le couronnement de sa carrière. C’est à l’occasion de la minorité d’Henri III qu’il remporte sur les partisans du prince Louis, fils du roi de France Philippe Auguste, la victoire de Lincoln (mai 1217) ruinant ainsi les prétentions en Angleterre du futur Louis VIII de France. Le Maréchal raccompagna lui-même jusqu’à la côte le prince Louis et ses barons  qu’il avait capturés, ce qui lui fut reproché vingt ans plus tard par le roi Henri III.
    Guillaume le Maréchal est mort le 14 mai 1219. Avant sa mort il avait remis lui-même la régence, du jeune roi Henri III, au  légat du pape en Angleterre. Il avait aussi, anachroniquement, intégré l’Ordre du Temple.
    Lorsque la nouvelle de sa mort arriva à la cour de France, le chevalier Guillaume des Barres  déclara en présence du roi Philippe II : « En notre temps, il n’y eut en nul lieu meilleur chevalier, et qui s’y connût mieux en armes… je dis, et j’en prends Dieu à témoin, que je ne vis jamais meilleur que lui dans toute ma vie. »
    Et Guillaume des Barres s’y connaissait : il était le plus preux de la cour de France, c’est-à-dire du monde. Le roi Philippe rajouta : « Le Maréchal fut, selon mon jugement, le plus loyal, vrai, que j’aie jamais connu, en quelque lieu que je fusse. »
    Le Maréchal eut cinq fils, malheureusement pour lui, aucun n’eut de descendance à son tour. Chacun d’entre eux fut, à un moment donné, comte de Pembroke.
    Il eut aussi cinq filles.
    La lignée du Maréchal s’éteignit vite : en 1245 il n’y eut plus d’homme qui portât le nom du Maréchal.
    La dignité de maréchal passa ensuite à Roger Bigot, comte de Norfolk.
    Le père de Roger, Hugues, avait épousé Mathilde, la fille aînée de Guillaume le Maréchal.

    Bibliographie :
    Georges Duby :  
    Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde, 1re édition chez Fayard, 1984.

    David C
    rouch : William Marshal, knighthood, war an chivalry, 1147-1219, Harlow, 2002.

     

     


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  • La Maison de Staufen, famille allemande de Souabe, appelée aussi Hohenstaufen, a donné plusieurs souverains au Saint Empire romain.
    Le premier fut Conrad III, empereur de 1138 à 1152. La dynastie régna sur le Saint Empire jusqu’en 1254, avec une interruption entre 1208 et 1212 au profit d’Othon de Brunswick. Le dernier empereur Hohenstaufen fut Conrad IV, le fils de Frédéric II, de 1250 à 1254. Cette famille devint la championne des Gibelins qui s’opposaient aux Guelfes. À leurs possessions de Souabe, de Franconie, d’Alsace, les Hohenstaufen ajoutèrent le royaume normand de Sicile, où ils régnèrent de 1194 à 1266.
    - Frédéric II, empereur de 1212 à 1250, était le fils d’Henri VI de Hohenstaufen et de Constance de Sicile, et le petit-fils de Frédéric Ier Barberousse. Il hérita encore tout enfant, en 1197, du royaume de Sicile, et fut élevé par les soins du pape Innocent III. Élu roi par les princes allemands à Mayence en 1212, il fut couronné empereur à Rome en 1220. Il songeait surtout à affirmer sa puissance en Italie et ses intérêts s’opposaient directement à ceux du Saint-Siège, soucieux avant tout d’éviter l’encerclement par le Nord et le Sud.
    Comme l’empereur trouvait tous les prétextes pour ne pas accomplir son vœu de croisade, le pape, après une longue attente, dut recourir à l’excommunication, qui fut lancée en 1227 par Grégoire IX.
    Frédéric partit donc en croisade en 1228-129. Une étrange croisade qui se termina sans combat. Frédéric traita à prix d’or avec le sultan d’Égypte, établit une sorte de condominium islamo-chrétien sur Jérusalem, Nazareth et Bethléem, et se fit proclamer roi de Jérusalem. Son attitude conciliante et presque favorable à l’égard de l’Islam suscita l’indignation du pape, et, à son retour en 1230, il trouva une partie de l’Italie soulevée contre lui, avec l’appui du Saint-Siège. Il réussit cependant à rétablir son autorité et amena Grégoire IX à reconnaître le fait accompli par la paix de San Germano en juillet 1230. Son ami Hermann von Salza, grand maître de l’Ordre Teutonique, accomplit pour Frédéric II de nombreuses missions diplomatiques auprès des papes, des princes allemands et des villes de Lombardie. Il accompagna l’Empereur en Terre Sainte en 1228-1229, et c’est lui qui négocia pour Frédéric avec Grégoire IX, la paix de San Germano.
    Il dut alors partir en Allemagne où la rébellion de son fils Henri l’obligea à faire d’importantes concessions aux princes et aux villes germaniques. Henri fut jugé, condamné, et maintenu prisonnier jusqu’à sa mort en 1242. Redescendu en Italie, Frédéric écrasa, à Cortenuova, les milices lombardes alliées du pape et envahit les États pontificaux. La polémique entre théoriciens du pouvoir impérial et théoriciens du pouvoir pontifical, entre Gibelins et Guelfes, atteignit alors une violence sans précédent. Excommunié à nouveau par Grégoire IX en 1239, Frédéric II contre-attaqua énergiquement et empêcha la réunion du concile dirigé contre lui en arrêtant les cardinaux en pleine mer (mai 1241) et en marchant sur Rome. Désormais, aucune réconciliation n’était plus possible : tandis que guelfes et gibelins se massacrent en Italie, Innocent IV fait déposer Frédéric II par le concile de Lyon en 1245. Accablé de fatigues et de soucis, l’empereur mourut cinq ans plus tard, sans avoir fait la moindre concession, et en laissant le pouvoir impérial extrêmement affaibli en Allemagne. Frédéric fut inhumé dans la cathédrale de Palerme  en février 1251. Il repose à côté de Constance d’Hauteville, sa mère, et de Constance d’Aragon, sa première épouse.
    Il fut le père des rois Conrad IV, Manfred et Enzio.
    Enzio fut un vaillant soldat : nommé par son père roi de Corse et de Sardaigne, vicaire général pour l’Italie, il sera capturé à Fossalta, le 26 mai 1249, par les Bolognais, et sera détenu en prison pendant 23 ans, jusqu’à sa mort survenue le 14 mars 1272.
    Frédéric II fut considéré dès son époque comme un personnage extraordinaire. Extrêmement cultivé, parlant plusieurs langues, il s’intéressait à tous les domaines de la connaissance, protégeait les arts et les sciences, aimait et cultivait lui-même les lettres. Palerme était sa résidence favorite. Il avait jeté en Sicile les bases d’un État laïque, dont l’organisation se reflète dans les Constitutions de Melfi (1231). C’était un chrétien mais, peut-être, pas assez respectueux de la papauté. En effet il fut excommunié deux fois et surnommé l’Antéchrist par ses ennemis.
    - Conrad IV, second fils de Frédéric et d’Isabelle de Brienne, avait été élu roi de Germanie en 1237, il devint empereur à la mort de son père et roi de Sicile en 1251. Le pape Innocent IV combattit son élection à l’Empire, lui opposa Guillaume de Hollande (mort en 1256), et fit prêcher une croisade contre lui. La vindicte du Saint-Siège continuait de s’abattre sur le Hohenstaufen. Chassé d’Allemagne en 1251, Conrad passa en Italie pour se faire reconnaître roi de Sicile. Il prit Naples, Capoue, Aquino, mais mourut pendant ses conquêtes, le 21 mai 1254. Il avait vingt-six ans. Il s’ouvrit alors dans l’Empire allemand ce que l’on appelle le Grand Interrègne, une période qui vit des élections successives d’empereurs rivaux et l’émancipation des grandes principautés allemandes.
    - Manfred, le demi-frère de Conrad IV, fils de Frédéric II et de Bianca Lancia, qui fut fait prince de Tarente à la mort de son père, qui fut régent d’Italie pendant l’absence de son frère Conrad IV, fut forcé d’abandonner la Sicile au pape Innocent IV en 1254. Mais il se rebella et, dès 1257, se rendit maître de toute l’Italie du sud et de la Sicile. Il se fit couronner roi de Sicile le 11 août 1258. Ce qui entraîna immédiatement son excommunication par le pape Alexandre IV. Manfred, prenant la tête de tous les gibelins d’Italie, envahit les États pontificaux, chassa Alexandre IV de Rome et s’empara de la Toscane. Pendant quelques années il établit un gouvernement énergique. Le pape Urbain IV prêcha une croisade contre lui et investit du royaume de Sicile Charles d’Anjou, quitte à ce dernier de conquérir son royaume. Charles d’Anjou, frère du roi Louis IX de France, fut trop heureux de cette aubaine de ceindre une couronne royale. Manfred fut vaincu et tué près de Bénévent le 26 février 1266. Sa veuve Hélène d’Épire, leur fille Fleurdelis et leurs trois fils, durement traités par les Français, moururent en prison.
    Manfred avait eu deux autres filles de Béatrice de Savoie sa première épouse : Constance, mariée à Pierre III d’Aragon, et Béatrice, mariée à Rainier Della Gherardesca puis à Manfred de Saluces.
    - Conradin, le fils de l’empereur Conrad IV, neveu de Manfred, avait perdu son père à l’âge de deux ans et fut élevé à la cour de Bavière. À la mort de Manfred, il fut appelé par les gibelins italiens pour disputer la péninsule à Charles d’Anjou. Il entra triomphalement dans Rome mais fut vaincu par Charles d’Anjou à Tagliacozzo, le 23 août 1268 et mis à mort après un simulacre de jugement. Il avait seize ans. Avec lui finit la dynastie des Hohenstaufen.
    Un jeune arabe de seize ans, né à Lucera, fils illégitime de Conrad IV, parfois appelé le « deuxième Conradin », reprit alors le combat contre Charles d’Anjou. Lucera était une ville arabe. Charles d’Anjou et Clément IV s’étaient rendu compte que ni Conrad, ni Manfred, ni Frédéric II lui-même, n’auraient pu résister aussi longtemps aux anathèmes pontificaux s’ils n’avaient pas été assurés du concours des garnisons arabes de la Capitanate. D’ailleurs la « Légion arabe » de Frédéric II était toujours en tête lors de l’entrée de ses troupes dans les villes et régions conquises. Charles d’Anjou envoya des troupes pour encercler Lucera. C’est au cours de ce siège que Conradin II fit l’admiration de tous. Il se révéla un guerrier de premier ordre. Le siège se prolongea pendant plusieurs mois mais la ville finit par capituler et être livrée aux flammes. Conradin et sa mère furent pendus tous les deux, sur l’ordre de Charles d’Anjou, devant les remparts de Lucera, en 1269. Charles d’Anjou était enfin roi de Naples et de Sicile. Jusqu’au lundi de Pâques 31 mars 1282, jour de la révolte de la population sicilienne qui restait très attachée au souvenir des Hauteville et des Hohenstaufen. Les Siciliens donnèrent la couronne à Pierre III d’Aragon, qui était l’époux de Constance, fille de Manfred. La Sicile resta dans l’orbite aragonaise suite à ce que la croisade organisée par Charles d’Anjou et le pape Martin IV ait lamentablement échouée.
    Michel Parisse a écrit  que « la fin de la dynastie des Staufen, en Italie du sud, fut sans éclat ». Elle fut en fait tragique et ignominieuse puisque la Papauté, Charles d’Anjou, et leurs alliés, ont éliminés consciencieusement tous les descendants de Frédéric II qui auraient pu relever la tête.
    L’empereur Frédéric II, Stupor Mundi, a laissé dans l’Histoire des traces ineffaçables et un prestige sans égal.


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  • C’est une grande cuve (2,16 m x 0,55 m x 0,80 m), en marbre gris des Pyrénées, à décor mixte sculpté, purement ornemental. Il est caractéristique de l’école d’Aquitaine qui n’utilise pas la représentation humaine dans ses décors, il est typique de la production des ateliers de marbriers pyrénéens de l’époque mérovingienne. Il porte un chrisme flanqué de l’alpha et de l’oméga, sculpté au centre d’une  face. Enfin il présente de nombreuses similitudes avec une bonne douzaine d’autres sarcophages semblables que l’on peut voir au Musée d’Aquitaine ou dans la crypte de Saint-Seurin, à Bordeaux. Ces cercueils étaient fabriqués dans les carrières de Saint-Béat pendant la deuxième moitié du VIe siècle. Il ne fait pas de doute qu’ils étaient destinés à la sépulture de Grands de l’Église.

    On ne sait pas comment ce sarcophage est arrivé à Bourg.  Il a été transféré en 1854 au musée de Périgueux où il se trouve toujours.

    D’après Pierre Bistaudeau, un poème de Fortunat, « La basilique de Saint-Vincent d’outre-Garonne », mentionne que Léonce, de la famille des Pontii, parti combattre les Wisigoths en Espagne, en aurait ramené des reliques de Saint-Vincent qu’il fit déposer dans un édifice chrétien de Bourg. Il devint par la suite évêque de Bordeaux sous le nom de Léonce le Jeune (Léonce II), décédé vers 574.
    Les clercs de l’abbaye Saint-Vincent de Bourg acceptèrent la règle de saint Augustin en 1124, et prirent dès lors le nom de chanoines réguliers. La fondation de l’abbaye était beaucoup plus ancienne, car d’après Émile Maufras, lorsque Charlemagne vint en Aquitaine, il la donna avec toutes ses dépendances à l’évêché de Bordeaux. Elle est ensuite citée en 816, citation reprise par plusieurs historiens bordelais.  Une partie des bâtiments s’effondra dans les flots de la Dordogne en 1595. Pierre Boyries avance l’hypothèse que le sarcophage fut retrouvé lors de fouilles, mis de côté, et enfin transporté par le chanoine Brou de Lachaize, dernier survivant du chapitre, dans sa propriété. Pour le moment je n’ai pas connaissance que des preuves aient pu confirmer ou infirmer ce postulat.

    Ce qui est troublant c’est que le musée de Périgueux indique qu’il s’agit d’une « cuve wisigothique », et j’en suis très surpris.

    À propos du sarcophage trouvé à Bourg en 1820, dans la propriété du chanoine Brou de Lachaize.


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    Louis Barthou fut nommé Ministres des Affaires étrangères  le 9 février 1934, dans le cabinet Doumergue.
    1934 est l’année qui voit la première édition en français de Mein Kampf, d’Adolf Hitler, aux Nouvelles Éditions latines, sans l’autorisation de l’auteur. Hitler fait interdire la publication de son ouvrage en France. Néanmoins, la teneur pouvait en être connue par le biais des nombreux résumés édités au fil des ans.  Louis Barthou a lu « Mon Combat », je ne sais dans quelle édition. Persuadé que l’Allemagne prépare la guerre, le ministre entend réactiver et élargir les alliances de la France qui « doit placer au premier plan de ses préoccupations les conditions de sa sécurité propre ». Il refuse de « légaliser le gouvernement nazi allemand » comme le souhaitent en fait les Anglais.
    Le 21 avril, il commence une tournée des capitales européennes : Bruxelles, Varsovie, Prague, Bucarest, Belgrade, et avance l’idée d’un « Locarno oriental » destiné à favoriser un rapprochement avec l’URSS. Le 18 mai, Barthou rencontre à Genève le Commissaire du peuple aux Affaires étrangères soviétiques Maxime Litvinov. Litvinov approuve le projet français et Barthou se dit prêt à signer avec l’URSS même en cas de refus de l'Allemagne de s’associer à ce pacte.  Les 14 et 15 juin, Hitler et Mussolini se rencontrent à Venise. Les deux dictateurs décident de se consulter sur la politique à suivre envers l’Autriche.
    Le 10 septembre l’URSS se voit offrir un siège permanent au Conseil de la SDN. Le 17, l’assemblée (de la SDN) adopte l’admission de l’URSS par 38 voix contre 3 et 7 abstentions. Ce succès de la politique voulue par Louis Barthou ouvre la voie à un accord diplomatique entre la France et l’URSS. 
    Le 9 octobre 1934, à Marseille, à 16 heures, le roi Alexandre de Yougoslavie, en visite officielle en France, est assassiné par un oustachi nationaliste croate. Dans la confusion Louis Barthou, qui était venu accueillir le roi, est blessé au bras droit par les policiers qui abattent le tueur. Personne n’ayant songé à ligaturer son bras blessé, le Ministre des affaires étrangères meurt exsangue peu après.
    Voilà la narration exacte. Les livres d’histoire et les dictionnaires mentionnent juste que Barthou a été tué lors de l’attentat ou même qu’il a été occis par les oustachis. Le deuxième passage de  Barthou aux Affaires étrangères n'aura duré que huit mois, du 9 février 1934 au 9 octobre 1934.
    Le 13 octobre Pierre Laval succède à Louis Barthou au portefeuille des Affaires étrangères. Il poursuivra la politique initiée par Barthou : rapprochement avec l’URSS et entente avec l’Italie pour conforter l’opposition de Rome aux entreprises allemandes en Europe. Mais le 8 avril 1935, l’Allemagne nazie et la Russie soviétique signent à Berlin un accord commercial : l’Allemagne ouvre à la Russie un crédit de 200 millions de Reichmarks pour une durée de cinq ans.
    Le 2 mai 1935, Laval signe avec l’ambassadeur soviétique à Paris, Vladimir Potemkin,  un pacte  d’assistance mutuelle franco-soviétique. Litvinov, de son vrai nom Maxime Maximovitch Meier Henoch Wallach-Finkelstein, était fermement partisan d’un rapprochement de l’URSS avec les démocraties occidentales et il soutint à la SDN le principe de la sécurité collective.
    Staline, inquiet des accords de Munich signés le 30 septembre 1938, et désirant se rapprocher de l’Allemagne hitlérienne, remplaça Litvinov par Molotov en mai 1939.
    On connait bien la suite.

     

    Louis Barthou qui fut-trop peu de temps- l’un des meilleurs ministres des Affaires étrangères de la période, et dont la mort tragique ne fut pas seulement une perte pour le Cabinet, mais un malheur pour le pays. Mort qui pose question car elle aurait pu être évitée s’il n’y avait pas eu de tirs policiers malheureux, ainsi que des soins d’urgence rapidement prodigués.

     

     

    « … le roi Alexandre Ier est assassiné à Marseille le 9 octobre 1934par un terroriste macédonien de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO) au service des nationalistes croates du mouvement oustacha et macédoniens. » Voilà ce qui est précisé dans Le dictionnaire historique et géopolitique du 20e siècle, sous la direction de Serge Cordellier, La Découverte/Poche.


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  • J’aime trouver dans les livres d’Histoire des personnages qui méritent d’être remis en lumière.
    C’est le cas de Joseph NASI, parfois orthographié Josef Nassi.
    Paul  Grunebaum Ballin lui a consacré un livre paru en 1968 sous le titre Joseph Naci, duc de Naxos.
    Le personnage apparait aussi dans La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II de Fernand Braudel  ainsi que dans La République du Lion d’Alvise Zorzi.

    Nasi était un Juif portugais qui naquit vers 1520 dans une famille marrane alliée à celle des riches banquiers Mendez. Son premier nom fut João Miguez.
    Quand les Rois catholiques avaient expulsé les Juifs d’Espagne, plusieurs membres de la famille Nassi avaient émigré au Portugal. Là, contraints de se faire chrétiens, ils avaient adopté des noms portugais, lancé un florissant commerce de pierres précieuses, et créé une importante société bancaire qui, dans la seconde décennie du XVIe siècle, avait étendu ses ramifications jusqu’à Anvers. Il avait suivi  très jeune à Anvers sa tante, Béatrice de Luna, qui lui confia de bonne heure la gestion des affaires familiales dans cette ville. En 1535, donã Gracia Nasi, veuve du chef de l’entreprise, Francisco Mendez, partait pour la cité flamande avec sa fille Reina et son neveu João Miguez. Suite à un différend grave, et regrettable, avec la régente des Pays-Bas, la vieille Mendez avec sa fille et son neveu durent de nouveau s’exiler. Voici donc les Nassi réfugiés à Venise.  Mais ils arrivèrent en un bien triste moment : la République connaissait une des rares périodes où elle persécuta les Maranes. La vieille dame est arrêtée, on confisque les biens des Mendez, le reste de la famille se réfugie à Ferrare. À l’exception de João Miguez qui s’enfuit à Constantinople, se fait présenter au sultan par son médecin qui est un juif espagnol comme lui, et Soliman le Magnifique, qui ne demande pas mieux que d’associer à sa fortune personnelle les immenses disponibilités de la société Mendez, fait la grosse voix. Venise, la Sérénissime Seigneurie, prend peur, donã Gracia est remise en liberté, les biens sont restitués et João s’établit définitivement, en 1553, à Constantinople après avoir abjuré le christianisme imposé et repris son véritable nom, Josef Nasi.

    À Constantinople, aux côtés de Selim qui l’admire et l’écoute, Josef Nassi caresse un rêve audacieux et anachronique pour l’époque, un rêve qui en fait un précurseur du sionisme : donner une patrie aux Juifs. Ce rêve justifie ses actions et Venise est sa première cible. Soliman lui donna le gouvernement de la ville de Tibériade, en Palestine. Il lança la reconstruction de l’ancienne cité et entreprit de réinstaller les Juifs en Terre promise. Mais le premier bateau qui amenait des immigrants d’Europe fut capturé par des pirates, et Joseph Nasi renonça à son projet.
    Sa faveur augmente encore sous le règne de Sélim II, devenu sultan en 1566.
    Selim II Mest était un ivrogne invétéré, un personnage influençable de surcroît. En échange de services diplomatiques importants — Joseph Nasi joue par exemple un rôle de premier plan dans les négociations de paix entre la Pologne et la Turquie en 1562 — Selim II se l’attache à sa suite et le couvre de bienfaits : Nasi reçoit le monopole de l'importation des vins par le Bosphore et surtout les titres de duc de Naxos et comte d'Andros.  Joseph Nasi  fait administrer ses terres depuis son palais du Belvédère à Constantinople.  Ce dernier dirigea alors pratiquement la diplomatie turque. Très hostile à Venise, c’est lui qui inspira l’attaque des Ottomans contre Chypre, en 1570. La belle île de Chypre avait été  vendue à Venise par Catherine Cornaro, veuve de Jacques III et héritière des Lusignan rois de Chypre depuis 1192, en 1489. Quelque quatre-vingts ans plus tard les Turcs en prirent possession et l’île tomba dans un état lamentable. Elle devint un port d’escale et de ravitaillement pour les escadres de la Sublime Porte. Après la mort de Sélim II en 1574, le rôle de Joseph Nassi devint plus effacé. Il passa les dernières années de sa vie dans son palais du Belvédère, près de Galata, où il mourut le 2 août 1579.

    Venise avait perdu définitivement le royaume de Chypre, même après la victoire de Lépante du 7 octobre 1571 ! Le succès de Lépante ne fut pas exploité, car son but initial était de reprendre Chypre, mais il eut un retentissement psychologique considérable en mettant fin à la réputation d’invincibilité des Ottomans.

    La bataille de Lépante.
    Son déroulement est raconté dans beaucoup de textes.
    À la fin des combats le golfe de Patras est couvert de milliers de cadavres. Du côté des chrétiens on évalue les pertes à 7500 hommes dont 4800 dans les effectifs vénitiens, qui comptaient de nombreux rameurs grecs et prisonniers barbaresques. Il y a près de 20000 blessés. Les pertes ottomanes sont difficiles à chiffrer ; au moins 8000 morts dans les combats mais beaucoup de fuyards se sont réfugiés sur les côtes, où bon nombre furent massacrés par les habitants chrétiens. On a délivré près de 15000  esclaves, en majorité des Grecs.
    Parmi les blessés se trouve un jeune volontaire de vingt-trois ans qui assurait le commandement d’une escouade de douze hommes. C’est Cervantès, le futur auteur de Don Quichotte. Il a reçu deux blessures dont l’une occasionnera, écrira-t-il, « la perte de ma main gauche, pour l’honneur de la droite ».

    Venise avait été le principal artisan de la victoire de Lépante. Mohamed Sokolli, le grand vizir, résuma de manière imagée mais exacte la portée de l’événement dans la conversation avec l’ambassadeur vénitien  Marcantonio Barbaro : « Il y a une grande différence entre notre situation et la vôtre. La perte d’une flotte n’est pour mon sublime empereur que ce que serait la barbe à un homme qui se la fait couper et à qui elle repousse ; mais la perte de l’île de Chypre est pour les Vénitiens comme la perte d’un membre qui ne revient plus quand il a été retranché. »
    En effet, dès l’année suivante, l’amiral Kilidj-Ali remit en mer, sous les yeux de Sélim, une flotte nouvelle, et revint braver ses ennemis.
    Et Chypre restera aux Ottomans jusqu'en 1878.

     


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