• Les Francs.

    Les Francs.

    On lit pour la première fois le nom de Franci dans un compte rendu de campagne militaire aux confins de la Gaule et de la Germanie dans les années 240. Naturellement il s’agit de pointer une victoire, celle du futur empereur Aurélien. Ces Francs sont-ils les descendants de ces Sicambres que signalaient déjà en Germanie, pour l’époque d’Auguste et dans des circonstances analogues, Tacite et Suétone ?
    Le césar Julien dit l’Apostat autorise un groupe de Francs à s’établir dans les basses vallées du Rhin et de la Meuse, dans une région appelée Toxandrie, à peu près l’actuel Brabant, par un accord, voire un traité, officiellement conclu en 358. Cet épisode présente l’intérêt de faire apparaître pour la première fois, du moins dans un écrit parvenu jusqu’à nous, le nom de Saliens pour désigner le groupe franc concerné, celui dont est issu, on le sait, le clan des Mérovingiens. Les Francs sont à l’origine de différents noms : la France bien sûr mais aussi la Franconie (Franken) ou Francfort, par exemple.
    L’origine des Francs, qui ont donné à la France sa première dynastie royale et son nom, a fait l’objet de multiples controverses depuis l’époque mérovingienne. Pour Grégoire de Tours, historien du VIe siècle, ces Germains établis à l’embouchure du Rhin seraient venus de Pannonie (cours moyen du Danube). Dès l’époque carolingienne et jusqu’au XVIIIe siècle, des considérations mythologiques situèrent leur patrie primitive en Phrygie et plus précisément à Troie, comme Ronsard le chanta dans la célèbre Franciade. Parallèlement, d’autres érudits considérèrent les Francs comme originaires de Scandinavie, théorie qui récemment encore a eu des adeptes. C’est seulement en 1714 que Nicolas Fréret proposa que ce peuple était né de la fédération de tribus germaniques ayant combattu les Romains sur le Rhin. Jugée comme « attentatoire à la dignité de la monarchie françoise » par l’abbé de Vertot, cette théorie moins séduisante ne s’imposa définitivement qu’avec Fustel de Coulanges en 1891.
    Appartenant à la famille des Germains occidentaux et à son sous-groupe archéologique le plus occidental (dit « Rhin-Weser »), les Francs n’apparaissent donc que tardivement sous ce nom dans l’Histoire. Ils désignent à partir du milieu du IIIe siècle une ligue militaire qui, à l’imitation de celle formée quelques décennies auparavant par les Alamans (de alle, ala = tous, et man = hommes), regroupa progressivement un certain nombre de tribus de la rive droite du Rhin inférieur : Chamaves, Chattuaires, Bructères, Usipètes, Tenctères, Tubantes, Ampsivariens et Saliens. Leur fédération tira son nom de frekkr, fri, qui signifiait en vieux norrois hardi, courageux.
    Jusqu’à la grande invasion barbare de 406-407, la plupart des Francs demeurèrent hors de l’Empire. Tandis que les tribus rhénanes, aux côtés des Alamans, affrontaient Rome sur terre, les tribus côtières s’illustraient par leurs actes de piraterie au même titre que leurs voisins Frisons et Saxons. Dès la fin du IIIe siècle, les Saliens, tribus franques des bouches du Rhin qui devaient engendrer la dynastie mérovingienne, délaissèrent leurs activités maritimes et s’infiltrèrent en Batavie (Pays-Bas actuels), profitant de la mauvaise défense ou de l’abandon de ces territoires marécageux. La défense romaine les stabilisa cependant au IVe siècle en Toxandrie (actuel Brabant du nord). Autant qu’on en puisse juger par l’archéologie, les Francs ne disposaient pas alors d’une culture matérielle réellement spécifique, à la différence des Germains de l’Elbe par exemple, et ils ne nous sont connus sur la rive droite du Rhin que par des incinérations au mobilier funéraire modeste et par la diffusion d’un type de céramique dit « proto-franc ». D’autres Francs vécurent aussi dans l’Empire dès la seconde moitié du IIIe siècle, comme l’attestent les sources écrites. Certains d’entre eux, vaincus, furent installés en Gaule comme « lètes » ou dediticii, c’est-à-dire « soumis sans condition » : astreints à un service militaire héréditaire, ils étaient chargés de remettre en valeur les terres pour le compte de l’Etat ou des grands propriétaires. A titre collectif, d’autres s’engagèrent comme auxiliaires dans l’armée romaine, servant en Egypte ou au Proche-Orient. D’autres encore, à titre individuel, firent des carrières militaires souvent remarquables, tel Mérobaude, généralissime de Valentinien en 375, ou Bauto, tuteur militaire de Valentinien II de 380 à 387.
    A la différence des Francs de l’Ouest, et notamment des Saliens, les Francs de l’Est ou Francs rhénans, connus sous le nom de « Ripuaires » à partir du VIIe siècle, ne cessèrent de harceler les garnisons romaines de Germanie supérieure. Entraînés par la combativité de leurs voisins alamans, ils s’emparèrent ainsi à plusieurs reprises de Cologne, Mayence et Trèves, sans parvenir pour autant à contrôler effectivement la rive gauche du Rhin moyen. Peu avant le milieu du Ve siècle, cependant, le roi salien Clodion battit, selon Grégoire de Tours, les Romains et s’empara d’Arras avant d’être à son tour vaincu et repoussé. Il semble que cet ancêtre de Clovis ait alors conclu un foedus (ou traité, d’où le nom de « fédérés » donnés aux barbares alliés de Rome) avec le maître de la milice des Gaules Aetius. C’est sans doute à ce titre que les Saliens participèrent à la coalition montée en 451 par le général romain contre Attila, préfigurant ainsi la politique d’alliance de Childéric (mort en 481-482), puis du fils de celui-ci, Clovis (mort à la fin de l’année 511),  avec les derniers représentants de l’autorité romaine en Gaule, Aegidius, le comte Paul puis Syagrius.
    Entreprise par Clovis à partir de 486-487, la conquête de la Gaule ne s’accompagna pas, comme on l’a longtemps soutenu, d’un phénomène de colonisation massive. En effet, à l’exception de la rive gauche du Rhin où la progression de la langue germanique fut la conséquence d’une implantation franque majoritaire, le latin demeura la langue commune du restant de la Gaule où les Francs, tout en imposant leur domination, furent minoritaires. C’est ce que confirme l’archéologie funéraire puisque dès l’achèvement de la conquête, sous les fils de Clovis (en 536), l’identification de la population de souche franque devient problématique.
    Dès la seconde moitié du VIe siècle, d’ailleurs, tous les habitants de la moitié nord de la Gaule se reconnaissent comme Franci, par opposition aux Romani de la moitié sud du pays, preuve de l’accomplissement de la « fusion progressive » entre Gallo-Romains et Francs et de la naissance, selon l’expression de Ferdinand Lot, d’un « patriotisme gallo-franc ».

    « Dagobert II, un roi oublié.Les Mérovingiens "rois de Reims" : gestation de l'Austrasie. »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :