• À propos du « comté » d’Ornon.

    1/ Les seigneurs d’Ornon trouvés dans la littérature.

     

    Les plus anciens seigneurs d’Ornon qui nous sont connus remontent à la fin du XIe siècle. Vers 1090, un Guillaume Furt d’Ornon était parmi les défenseurs de l’abbaye de La Sauve-Majeure que saint Gérard de Corbie venait de fonder. On le retrouve parmi les témoins de l’acte de fondation du prieuré de Mansirot, en 1108. Mention est faite ensuite d’un autre Guillaume Furt, seigneur d’Ornon, dans des titres de 1173 et 1174. Le 21 mai 1242, le roi [d’Angleterre] Henri III écrivit à Guillaume-Bernard d’Ornon de se trouver à Pons, le jeudi après la Pentecôte, accompagné d’un chevalier. Après la bataille de Taillebourg, il fut convoqué de nouveau, le 11 septembre et le 12 novembre de la même année, pour se rendre à Sainte-Bazeille où le roi-duc réunissait les seigneurs gascons. Le 12 septembre 1251, un Gaillard d’Ornon est témoin d’un traité entre Simon de Montfort et Arnaud de Blanquefort pour le château de Bourg. On pense que Gaillard n’était que coseigneur d’Ornon, puisque nous retrouvons le chevalier Guillaume-Bernard d’Ornon rendant hommage à Édouard Ier le 19 mars 1274. Le 12 juillet 1294, Édouard Ier écrivit à Guillaume-Furt  d’Ornon. Vers 1295 ce Guillaume-Furt se maria avec Alice de Blaye, fille et héritière de Jaufré-Rudel V [ou IV], et d’Isabelle de La Lande. Nous le trouvons, en 1308, seigneur de « Saint-Aubin-en-Jalles », d’après Leo Drouyn. Il est qualifié seigneur d’Ornon dans un titre du 22 décembre 1321, et dans une lettre que lui écrivit le roi d’Angleterre, le 18 mars 1325, pour le remercier de sa bonne conduite dans la guerre contre la France. Un Gaillard d’Ornon, époux de Marie de Blanquefort,  est seigneur d’Audenge de 1330 à 1350. Leur fils Bernard d’Ornon est seigneur d’Audenge de 1350 à 1376. Bernard eut une fille, Marie d’Ornon, qui est qualifiée dame d’Audenge le 12 mai 1390. Il faut signaler, pour peut-être une meilleure compréhension, que Guillaume-Furt d’Ornon et Alice de Blaye eurent trois enfants : Guillaume-Bernard, Gaillard et Angevine d’Ornon.

    Le 20 septembre 1332, Alice de Blaye, dame d’Ornon est maintenue en possession de la petite Coutume de Bordeaux. On trouve mention d’un Gaillard d’Ornon qui avait, en 1340, des droits sur la châtellenie de Blaye et sur la prévôté de Camparian. Guillaume-Bernard était seigneur d’Ornon en 1357, il l’était encore en 1363 ; il avait épousé Éléonore de Montferrand, dont il n’eut qu’une fille, Jeanne d’Ornon. En 1359, Guillaume-Bernard et ses troupes participent, avec Jean de Grailly et de nombreux autres seigneurs du Bordelais, aux combats menés en Agenais pour contrer les Français, menés par les comtes de Poitou et d’Armagnac. Angevine d’Ornon, femme de Guillaume de Bouville, co-seigneur de Langon, est citée dans un acte du 4 octobre 1363, pour un legs de cent écus d’or à Ayquem de Gauriac. Suite à la mort de Maria d’Ornon en 1390, le château d’Ornon passa entre les mains du roi d’Angleterre. A cette date la comtau d’Ornon, ou prévôté de Camparian, était associée avec la seigneurie et le château d’Ornon. La comtau appartenait aux seigneurs de Blaye avant la vente par ceux-ci au roi d’Angleterre.

    L’association entre comtau et seigneurie d’Ornon avait perdurée seulement quelques décennies au XIVe siècle (de 1319 à 1390 ?), mais les deux ensembles restaient distincts en droit.

     

    2/ La comtau d’Ornon.

     

    Il nous faut revenir sur la définition de la comtau, qui n’est pas un comté !

    Le médiéviste Robert Boutruche, dans son livre ayant pour titre « La crise d’une société. Seigneurs et paysans du Bordelais pendant la Guerre de Cent Ans » paru en 1947, puis dans la nouvelle édition de 1963, nous dit que dans la principauté d’Aquitaine il n’y a point d’autre duc que celui d’Aquitaine ; aucun marquis ; un comte, celui d’Ornon, et quelques vicomtes : ceux de Castillon, de Fronsac, de Benauges et de Bezaume. Il nous parle aussi de plusieurs « captaux » : ceux de Buch, de Certes, de La Tresne. Il a été démontré depuis  que le titre de « captal » était lié à la famille de Grailly, héritière de celle de Bordeaux, qui détint ces diverses terres. Et puis il y a les châtelains commandants une forteresse pour leur propre compte ou pour le duc. Et il y a ensuite les nombreuses familles nobles, grandes ou petites, qualifiées « seigneur de »  ou « sire de » et les chefs de lignages importants qualifiés parfois de « barons ».Ce titre de comte d’Ornon a posé problème. L’historiographie nous parle de seigneurs d’Ornon et de la « comtau » d’Ornon. Entre le VIIIe siècle et le Xe siècle on ne connaît, dans cette aire géographique, que le comté de Bordeaux. Plusieurs comtes de Bordeaux nous sont connus : Galactorius vers 585, Seguin Ier, Ebles, Seguin II (840-845), Amauvin (887-906) et Guillaume le Bon (avant 977 / 988).

    La comtau, mot d’origine gasconne, signifie « domaine comtal », « terre comtale ». Charles Bémont, l’historien médiéviste, l’expliquait dès 1914 : la comtau était «  une portion de territoire demeurée sous la juridiction du comte et qui n’avait pas été inféodée à un seigneur ».
    La comtau d’Ornon était donc, sous la juridiction du comte de Bordeaux. Après les comtes cités plus haut, le comté de Bordeaux échut au duc-comte Guilhem-Sans de Gascogne, puis à ses deux fils et successeurs Bernard-Guilhem (mort en 1010) et Sans-Guilhem (mort en 1032). Le comté de Bordeaux passa alors à Eudes, fils du duc d’Aquitaine et neveu de Sans-Guilhem. Suite au décès de Eudes en 1039, son demi-frère Guy-Geoffroi, GuillaumeVIII d’Aquitaine,  devint comte de Bordeaux. Gui-Geoffroi mourut le 25 septembre 1086. Il fut la dernière personne qui porta le titre de comte de Bordeaux, celui de duc d’Aquitaine le remplaçant par la suite. Mais les ducs d’Aquitaine possédaient des vestiges du domaine direct des anciens comtes de Bordeaux. Les plus importants portaient le nom de comtau. Outre la comtau d’Ornon, la plus vaste, il existait celles de Blaye, de Cabanac, de Portets et de Castres. La comtau d’Ornon était très étendue : Talence, Gradignan, Villenave d’Ornon, Canéjan, Cestas, Léognan, Mérignac, Pessac, Saint-Jean d’Illac, ainsi qu’une partie de la paroisse de Martillac en constituaient le territoire. Cette comtau était administrée par de grands personnages portant le titre de vicomte ou de prévôt.

    L’acte de fondation du prieuré de Mansirot, en 1108, comporte la signature d’un Arnaud de Blanquefort « de Wilkemfurt » semblant être un vicomte [de la terre comtale] d’Ornon.

    Un vicomte d’Ornon, Amanieu, est cité en décembre 1156 comme l’un des témoins qui signèrent des patentes du roi Henri II et de la reine Aliénor confirmant des privilèges de Bordeaux et de La Sauve-Majeure.

     

     

    On ne sait pas comment la comtau d’Ornon échappa à l’emprise directe des ducs d’Aquitaine. On la trouve à la fin du XIIIe siècle en possession du seigneur de Blaye Jaufré-Rudel V [ou IV ?]. En effet, en proie à de lourdes difficultés financières, le seigneur Jaufré-Rudel V [ou IV] avait cédé la comtau d’Ornon au roi-duc Édouard Ier, entre le 20 novembre 1286 et le 16 janvier 1287. Suite à cet achat, le roi-duc avait transformé la comtau d’Ornon en une « prévôté » de Camparian. Cette prévôté fut abolie, provisoirement, en 1294, par les autorités françaises occupant alors Bordeaux ; ceci à la demande des autorités communales de cette ville. En 1303 la prévôté de Camparian fut rétablie suite à la restauration de l’autorité du roi d’Angleterre. Alice [Alaïtz] de Blaye, dame d’Ornon, vendit en 1319 la baronnie de Blaye à Édouard II. Avec cette transaction elle obtint la prévôté de Camparian [comtau d’Ornon] avec tous les droits qui en découlaient. La comtau était associée avec la seigneurie et le château d’Ornon. À la mort de Maria d’Ornon, faute d’héritiers, le connétable de Bordeaux  saisit et occupa le château d’Ornon le 7 juin 1390. Les rois d’Angleterre-ducs d’Aquitaine récupéraient ensemble la comtau et la seigneurie d’Ornon.

     L’association entre comtau et seigneurie d’Ornon avait perdurée seulement quelques décennies au XIVe siècle (de 1319 à 1390 ?), mais les deux ensembles restaient distincts en droit.

    Richard II donna, le 5 mai 1399, le château et ses dépendances à son cousin John Beaufort, marquis de Dorset. En 1400 pourtant on trouve le connétable de Bordeaux comme seigneur d’Ornon et possesseur du château. À cette date Bertran III de Montferrand et de Veyrines obtint les paroisses de Mérignac, de Pessac, d’Illac et de Boulac, détachées de la comtau d’Ornon. Ces lieux resteront rattachés à la baronnie de Veyrines. Le connétable, Henri Bowet, devenu entre-temps évêque de Bath en 1401 puis  archevêque d’York, céda le château, la seigneurie et la comtau d’Ornon à la commune de Bordeaux. Ceci intervint le 17 décembre 1409. Le maire et les jurats de Bordeaux interpréteront ensuite le mot gascon de comtau comme correspondant au mot français comté, alors que le terme comtat était lui le substantif gascon désignant un comté (comme dans Comtat Venaissin). Ce véritable tour de passe-passe permit aux maire et jurats bordelais de se qualifier collectivement « comtes d’Ornon ». Jusqu’en 1789 !

     

    Je conseille, pour avoir une étude beaucoup plus complète sur la comtau d’Ornon, la lecture de l’excellent et bienvenu article de Guilhem PÉPIN paru dans le N° 117 de la revue Aquitaine Historique.

    « La croix et la manière.Le duc de Montausier »

  • Commentaires

    1
    Vendredi 23 Septembre 2016 à 18:08

    coucou je vois que tu contes toujours aussi bien Bisous

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :