• Bible de Saint-Yrieix-ia-Perche

    La Bible de Saint-Yrieix-la-Perche (fin XIe ou début XIIe siècle).
    Photo© prise par l’auteur en juillet 2008.

    À propos de la Bible.

     

    La Bible fut un des tout premiers livres – si ce n’est le premier – imprimé à l’époque moderne.
    La Bible de Gutenberg ou Bible latine à quarante-deux lignes (B42) est le premier livre imprimé en Europe à l'aide de caractères mobiles. Le 23 février 1455 est la date traditionnelle retenue comme le jour où Johannes Gutenberg a achevé ce livre. Elle reproduit la Vulgate, la version latine due à saint Jérôme.

    On parle de la Bible en disant Le Livre. Mais il faut bien comprendre que c’est en fait une « bibliothèque », une collection de livres, de différents auteurs dont le nom est parfois inconnu. L’Ancien Testament est composé de 46 livres, et le Nouveau Testament en contient vingt-sept.
    Si l’origine de la Bible comme texte hébreu est à situer en Palestine – et symboliquement à Jérusalem – sans oublier l’aller retour de l’exil à Babylone au VIe siècle avant  notre ère, c’est Alexandrie et le grec qui marquent l’ouverture de la Bible au Proche-Orient ancien à la fin du IIIe siècle avant J.-C.
    Aussi est-ce encore le grec, langue véhiculaire des premiers siècles, qui assure jusqu’au cœur de la Gaule des IIe et IIIe siècles, à Vienne et à Lyon notamment, la tradition biblique issue d’Alexandrie.
    La Grèce proprement dite, le territoire oriental en face de la péninsule italique et le contournement de la mer Noire resteront naturellement investis par le grec de l’Ancien et du Nouveau Testament : deux des principales traductions qui allaient assurer une nouvelle expansion de la Bible se feront à partir du grec, en arménien au début du Ve siècle et en alphabet cyrillique à partir du IXe siècle.
    Si, longtemps, Rome connaît le grec, l’Afrique du Nord, en maintenant la primauté du latin et en disposant assez vite de traductions latines du texte biblique, avec notamment ce que l’on considère comme la Vetus Latina ou « version latine ancienne », prépare une sorte de reconquête de la chrétienté occidentale par le latin. À la fin du IVe siècle, la traduction de saint Jérôme, écrite entre 391 et 405 environ, sera, jusqu’aux critiques humanistes du XVIe siècle, la Bible par excellence de l’Europe occidentale, ce que consacre sa désignation de Vulgate. Saint Jérôme a traduit directement l’Ancien Testament de l’hébreu et révisé le Nouveau Testament à partir du grec.
    Dès le XIIe siècle, des traductions vernaculaires sont faites, principalement à l’usage de riches laïques, mais aussi des gens du peuple ; elles suscitent un moment l’inquiétude de l’Église : les traductions « romanes » servent de support à la prédication hérétique. Pour les clercs le seul texte de référence reste la Vulgate latine.
    La première traduction française est le Psautier de Lanfranc (vers 1100). Mais les premières traductions « françaises » des Écritures sont largement des Nouveau Testament en langue d’oc, et d’origine cathare et vaudoise.
    Jusqu’au XVIe siècle les traductions en langue vulgaire de la Bible furent faites d’après la Vulgate de saint Jérôme, seul texte authentique (déclaration du concile de Trente le 8 avril 1546). Le texte alors en usage n’en contenait pas moins de nombreuses erreurs, et une édition corrigée, dite « édition Clémentine », fut publiée en 1592, sous le pontificat de Clément VIII. Une nouvelle révision de la Vulgate fut ordonnée par Pie X en 1908 et commença à paraître en 1926.
    En 1965, Paul VI a décidé une nouvelle révision.
    La dernière révision en date, promulguée en 1979 par Jean-Paul II, est appelée la Néo-Vulgate ou Nova Vulgata en latin.

    Revenons aux origines.
    L’Ancien Testament est un ensemble de livres dont certains sont écrits en hébreu et d’autres en araméen ou en grec. L’hébreu est la principale et la plus ancienne langue de rédaction.
    L’araméen fut adopté après l’exil à Babylone.  C’est une langue assez voisine de l’hébreu.
    L’Ancien Testament ne conserve que quelques textes et parties de livres en araméen, tous datables des IIIe-IIe siècles avant Jésus-Christ.
    Une importante traduction de l’ensemble a été faite en grec près de trois siècles avant notre ère.
    Cette traduction, désignée sous le nom de « Septante » et aussi appelée « Bible d’Alexandrie », se verra ajouter de nouveaux livres dont certains écrits directement en grec.
    On a tendance à oublier aujourd’hui que le grec fut, avec l’hébreu et l’araméen, une des trois langues juives anciennes.
    Le Nouveau Testament, seconde partie de la Bible chrétienne, n’est pas comparable à l’Ancien.
    Son originalité tient naturellement à ce qui l’a suscité de bout en bout : l’avènement de Jésus de Nazareth. Sa rédaction s’est jouée sur moins d’un siècle. La « bibliothèque » Nouveau Testament se présente dans une seule langue originelle, le grec. À l’avènement du Christ, trois langues servent à l’expression du peuple juif : l’hébreu dans les milieux très cultivés et comme langue sacerdotale ; l’araméen pour le commentaire et l’explication de l’Écriture ainsi que pour les échanges de la vie quotidienne, et le grec pour le commerce et les échanges internationaux et qui, en Égypte notamment, devient proprement langue biblique avec la traduction dite des « Septante ».
    L’enseignement de Jésus se fit pour l’essentiel en araméen puisque lui-même ne sortit jamais vraiment de l’aire culturelle de sa patrie. Au moment où le message du Christ se répand, le grec est de plus en plus langue véhiculaire, permettant de communiquer dans tout l’Empire romain. Le christianisme se voulant un message pour tous il était nécessaire que tout ce qui servirait au prosélytisme et à la conservation du message soit écrit en grec.

    J’ai fait un résumé qui survole l’essentiel de la création et de l’évolution des textes bibliques qui, bien sûr, sont faits pour être lus.
    C’est un livre universellement évoqué et cependant très peu l’ont lu complètement ou même partiellement. Je dois reconnaître que c’est assez rébarbatif.
    Il faut, aussi, ne pas perdre de vue que la Bible relève d’une composition historique, donc non révélée.

     

     


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  • La religion romaine.

     


    Dans la religion traditionnelle de Rome, les rites étaient très importants, car ils permettaient d’établir de bonnes relations avec les dieux. Il y avait un grand nombre de divinités, les plus marquantes étant celles de la triade capitoline : Jupiter, le roi des dieux, Junon, son épouse, protectrice des matrones, et Minerve, patronne des artisans et déesse de l’intelligence. Une autre déité majeure, Mars, le dieu de la guerre, avait été un moment considéré comme le dieu des champs, car les paysans de Rome étaient également ses défenseurs.
    Les cultes domestiques, dirigés par le père de famille, honoraient Vesta (la terre), les Lares (les esprits des ancêtres) et les Pénates (divinités du foyer).
    Les Lares étaient les dieux protecteurs de la famille (Lar familiaris), dont la représentation était honorée dans un sanctuaire domestique, petite chapelle ou grotte. Leur fête principale était célébrée le 23 décembre. Les Lares étaient associés aux Pénates. Il s’agissait de divinités locales dont le champ d’action s’est peu à peu élargi. À l’époque de l’empire romain, le culte des Lares fut associé au culte impérial.
    Les Pénates protègent non seulement les familles de particuliers, mais aussi le peuple romain dans son ensemble, puisque l’État possédait ses propres Pénates. Ils répandent leur action bienfaisante à l’intérieur des maisons et dans les réserves, et sont vénérés à proximité du foyer.
    Les cultes publics, quant à eux, étaient assurés par des prêtres élus, membres de l’aristocratie, qui veillaient à l’exécution des rites et organisaient les fêtes religieuses. Le collège suprême, le collège des pontifes, comptant environ quinze membres et dirigé par le grand pontife, le pontifex maximus, était responsable du maintien des traditions. Les augures étudiaient les présages avant chaque acte public. Les vestales, qui devaient demeurer vierges, étaient des prêtresses du culte de Vesta et entretenaient le feu sacré symbolisant l’État romain.
    Les Romains adoptaient également les dieux et les cultes d’autres peuples, en particulier ceux des Grecs. Ils divinisaient aussi, à l’exemple des Grecs, des idées abstraites comme Concordia (la concorde), Honos et Virtus (l’honneur et la vertu), ou Fortuna (la bonne fortune).
    Un des premiers cultes étrangers introduits à Rome, en 204 avant J.-C., fut celui de Cybèle, la Grande Mère des Phrygiens, mais les rites orgiaques de cette religion furent sévèrement réglementés par le Sénat.  Les divinités égyptiennes Isis et Sérapis (du taureau Apis, assimilé à Ptah) avaient aussi des sanctuaires à Rome.
    Les légions romaines adoptèrent aussi le dieu Mithra, venu d’orient. Son culte connut un important développement dans l’Empire aux II
    e et IIIe siècles de notre ère. Mithra était un très ancien dieu perse de la Lumière et de la Vérité, ennemi irréductible d’Ahriman, le représentant des forces du Mal. Dans la tradition perse, il symbolisait le guerrier et l’invaincu. Ces deux attributs ne pouvaient que le rendre populaire auprès des soldats romains. Le mithraïsme, sous sa forme romaine, était une religion à mystères, dont les initiés pratiquaient des rites secrets. Les temples de Mithra, les mithræa, étaient des grottes naturelles ou des cryptes à demi souterraines, rappelant l’antre dans lequel le dieu avait égorgé le taureau mythique.
    A Bordeaux, on a découvert en 1986, cours Victor Hugo, un mithraeum assez bien conservé, à demi enterré et de grandes dimensions. C’est le plus grand sanctuaire de Mithra découvert en Gaule.




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  •                                                                         La naissance de l’Histoire.


    Les premiers et plus grands historiens de la Grèce ancienne furent Hérodote (490/480-425 avant J.-C .) et Thucydide (vers 460-400 avant J.-C .). Tous deux placèrent l’étude du conflit majeur de leur époque au centre de leur œuvre historique (les guerres médiques pour Hérodote et la guerre du Péloponnèse pour Thucydide), mais ne se bornèrent pas à raconter les faits, chacun cherchant à découvrir les raisons profondes qui conduisaient les hommes à s’opposer violemment les uns aux autres. Hérodote, né dans la cité ionienne d’Halicarnasse, en Asie Mineure, a reçu de Cicéron  le titre de « père de l’histoire ».
     Son érudition, son esprit scientifique ouvert sont sensibles dans ses Histoires ; son récit de la guerre entre les Perses et les Grecs est émaillé de nombreuses digressions sur la géographie et l’anthropologie.
    Il explique que son récit des guerres fut écrit « afin que le souvenir du passé ne soit pas effacé de la mémoire des hommes par le temps, et que les faits d’armes des Grecs et des étrangers, et particulièrement les raisons pour lesquelles ils s’affrontèrent, ne manquent pas d’être connus ».
    En 449 avant J.-C. le conflit entre les Grecs et les Perses s’acheva avec la signature de la paix négociée par l’Athénien Callias, après cinquante années de guerres médiques.

    Thucydide, né à Athènes, prit part à la guerre du Péloponnèse, qui vit s’affronter Sparte et Athènes. Le récit qu’il en donne est centré sur la recherche de « la cause la plus vraie » de la guerre, ainsi que de ses mécanismes et de ses aspects politiques. Comme Hérodote, il ne se contentait pas de rapporter les faits, mais s’efforçait de comprendre la nature et le comportement de l’homme.
    Son œuvre se distingue par son impartialité, son indifférence aux détails merveilleux ou légendaires, l’analyse consciencieuse des causes des événements, la sobriété et le pathétique du style.
    Plutarque a déclaré Thucydide fort supérieur à Hérodote. En effet Thucydide avait de grandes vues politiques d’ensemble, contrairement à Hérodote.

    L’article HERODOTE dans la Biographie universelle ancienne et moderne, sous la direction de Louis-Gabriel Michaud, a été écrit par Raoul Rochette.
    Tome 19 page 305 à page 311.

    L’article THUCYDIDE dans la Biographie universelle ancienne et moderne, sous la direction de Louis-Gabriel Michaud, a été écrit par Pierre Claude François  Daunou.
    Tome 41 page 465 à page 478.

    (Il s’agit de la  deuxième édition, 1843, de la Biographie universelle.)

     


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  • Macron, Naevius Sertorius Macro, mort en 38 après J.-C.
    Homme politique romain. Chargé par Tibère d’arrêter Séjan, il fut nommé préfet  du prétoire à la mort de ce dernier [en octobre 31]. Pour gagner la faveur de Caligula, il fit étouffer Tibère mourant, sous un amas de couvertures, le 16 mars 37. Mais, dès l’année suivante, impliqué dans une conspiration, il fut obligé de se tuer, entraînant sa femme dans la mort avec lui.

    À propos de Macron voici quelques extraits de la vie de Caligula par Suétone.
    Celui-ci  [Caligula], afin d’avoir une certitude plus grande, séduisit, après la mort de Junia [son épouse], morte en couches, Ennia Novia femme de Macron, le chef des cohortes prétoriennes, en lui promettant de l’épouser dès son avènement.
    […]
    C’est par son entreprise, d’après ce que l’on raconte, qu’ils complotèrent avec Macron l’empoisonnement de Tibère. Le vieillard respirait encore lorsqu’il lui fit arracher son anneau et comme il se défendait, il commanda de l’étouffer sous un coussin, lui serrant lui-même la gorge de sa propre main.
    Il est presque futile et fastidieux de raconter comment il traita ses parents et ses amis, Ptolémée, fils du roi Juba, son cousin ainsi que Macron et Ennia qui lui avaient facilité l’accès à l’empire. Ils périrent tous de mort violente, malgré les liens du sang ou les services rendus.

    MACRON (Cn. Naevius Sertorius Macro), favori  de Tibère et de Caligula, avait peut-être été placé par Séjan auprès de ce prince, qu'il suivit à Caprée, et dont il sut acquérir la confiance autant que cela se pouvait avec Tibère ; en d'autres termes, il convainquit son maître qu'il ne manquait ni de résolution ni d'adresse pour exécuter un plan bien tracé, et qu'il était prêt à le servir dans toute affaire qui s'accorderait avec ses propres intérêts ou qui vaudrait à son ambition une haute récompense. Il y avait longtemps que Séjan causait de l'ombrage à Tibère, et il n'en eût pas fallu autant à des princes moins soupçonneux que le fils de Livie pour se résoudre à le sacrifier. Tibère, qui suivait tous les mouvements de son astucieux ministre avec cette sûreté de coup d'œil que l'âge augmentait encore, avait tenu à se servir de Séjan comme d'instrument, et à laisser peser sur lui la responsabilité de tant d'actes odieux et iniques, tant que les relations en apparence amicales du maître et du ministre pourraient durer. Séjan voulait régner, et il avait pu se flatter d'y parvenir, soit par mariage avec Liville, l'ex-belle-fille de Tibère, soit par association volontaire de la part de celui-ci.

    L'empereur avait vu que seulement après tous ces moyens épuisés, après toutes ces espérances détruites, son ambitieux vizir agirait pour le renverser et se mettre à sa place. Liville était morte depuis trois ans, et Tibère laissait percer à dessein le désir d'associer Séjan à sa puissance, avançant et reculant tour à tour sous des prétextes cauteleux qu'il avait toujours en réserve, mais qui enfin devaient, sinon s'épuiser, du moins commencer à impatienter fortement Séjan, quand l'empereur vit que l'instant était venu d'en finir.
    C'est Macron qu'il choisit pour cet acte, qui n'était pas sans difficulté et qui devait s'exécuter par surprise sous peine d'être manqué. Il commença par donner à Macron le commandement des cohortes prétoriennes, qui étaient sous les ordres de Séjan ; puis il le chargea d'instructions pour ceux qui devaient le seconder dans sa commission. Macron arrive de nuit à Rome, s'abouche en secret avec le consul Memnius Régulus, avec le chef des vigiles Gracisus Laco, et tous trois concertent leurs rôles pour le drame du lendemain. Le jour venu, Macron, qui ne se cache plus, se rend ostensiblement au palais, tandis que le sénat s'assemble tout près de là, au temple d'Apollon, et probablement ayant choisi pour se présenter à Séjan un moment où ce favori est entouré de telle façon qu'ils ne puissent avoir une longue conversation ensemble, il lui donne verbalement les nouvelles de Gaprée. « Est-ce que l'empereur ne m'adresse rien? - Non, à vous directement, lui dit Macron à l'oreille, comme indiscrétion confidentielle ; mais j'apporte l'ordre de votre association à la puissance tribunitienne, elle est dans sa lettre aux consuls. » Séjan le croit ; il entre radieux au sénat. Macron reste en arrière, montre aux officiers qui commandent les prétoriens autour du palais et du temple les lettres de Tibère qui le nomment leur chef en remplacement de Séjan, et, accompagnant ce discours de promesses pécuniaires ou autres, les renvoie du poste. Les hommes de Laco les remplacent aussitôt.

    Il entre ensuite au sénat, et remet la lettre impériale aux consuls ; puis, quittant le temple où siège l'illustre assemblée, et recommandant à Laco d'avoir l'œil à tout, et, au premier signe du consul, de faire saisir Séjan, il court au camp des prétoriens pour prévenir toute opposition de leur part. On peut présumer les moyens qu'il employa. Tout fut accompli de point en point comme l'avait désiré Tibère, et à l'aide de ces formes expéditives avec lesquelles, en Orient, moyennant quelques chiaoux cachés et qui se montrent à l'instant donné, un pacha fait arrêter et étrangler le sultan dont on est las (voy. SÉJAN). Le tout-puissant ministre renversé, le sénat, aux acclamations duquel il était entré dans la salle, aux acclamations duquel il en était sorti pour mourir, voulut décerner à Macron les insignes prétoriaux. L'agent de Tibère, étant trop circonspect pour recevoir une récompense d'un autre que de son maître, déclina cet honneur. Effectivement, Tibère le laissa simple chevalier, tout en lui accordant un grand pouvoir qui n'approchait pas toutefois de celui de Séjan. Macron, élevé au commandement des cohortes prétoriennes, par un exploit qui ressemblait fort à un guet- apens, ne se montra pas plus scrupuleux que Séjan. Tibère haïssait un Mamercus Scaurus, poète et sénateur, qui, dans une tragédie intitulée Atrée, avait eu le malheur de laisser tomber bon nombre de vers que le public avait appliqués à Tibère, tous ceux, par exemple, où il s'agissait de tyran bourreau de sa propre famille.

    Macron se chargea de cette vengeance ; et, quoique au besoin on eût fort bien pu qualifier de crime capital des allusions à l'empereur, comme il était dans le caractère de Tibère de n'aller jamais par le droit chemin et de ne jamais dire sa vraie pensée, Scaurus fut accusé d'avoir été l'amant de Liville (ce qui voulait dire d'avoir pensé à l'empire, puisque les mêmes liaisons avaient été des griefs contre Séjan), et d'avoir vaqué avec cette princesse à des sacrifices magiques.

    Scaurus se tua, et ainsi se réalisa le bon mot de Tibère : « Ah ! il a fait Atrée ; je vais faire Ajax. » C'est ainsi que dans la facétie Tibère laissait quelquefois entrevoir ses vrais motifs. Cependant, déjà plus que septuagénaire, il ne pouvait vivre bien longtemps. Macron eût bien voulu s'assurer les bonnes grâces au successeur présomptif, Caligula, élevé à Caprée, et sous l'œil de Tibère. Pour y réussir, il ne trouva rien de mieux que de se faire représenter auprès de lui par sa femme Ennia, qui n'eut aucune peine à se faire goûter de ce jeune voluptueux, mais qui, si elle eût eu le dessein de, se faire épouser par lui, n'aurait guère eu de moyens d'y réussir : il est vrai que Caligula était veuf de sa première femme Claudia, et d'ailleurs deux répudiations n'étaient pas plus difficiles qu'une ; mais il eût fallu que l'empereur permît et que le prince attendît en désirant. Il n'en fut donc rien.
    On sait comment se passèrent les dernières semaines de Tibère, plus cassé, plus défiant et cruel que jamais, et quelquefois en proie à de longues syncopes. Enfin on le crut mort, il n'était qu'en léthargie ; mais déjà Caligula était salué Auguste à grands cris par la foule des courtisans, quand tout à coup un bruit sinistre glace les assistants : « Tibère revient ! Tibère n'est pas mort ! » Prince et courtisans, tous avaient perdu la tête : seul, Macro intrepidus, dit Tacite, renvoie ceux qui sont de trop, fait fermer les portes de l'appartement, et, entrant dans la chambre du malade, fait empiler sur lui des matelas. Il n'en sortit que pour dire à Caligula : « Cette fois, vous êtes bien empereur.
    Nous ne pensons pas que Macron ait ainsi beaucoup avancé les jours de son maître ; mais peut-être sauva-t-il Caligula et d'autres encore de quelque coup tragique, car la haine pour l'héritier augmentait chez Tibère au point d'être une frénésie. Ce service signalé n'eut pas longtemps la récompense que Macron en espérait.

    Il eut encore part à sa faveur jusqu'à la condamnation d'Anuntius et d'Albucica. Mais les prodigalités inouïes et folles de Caligula, les insultes impolitiques qu'il prodiguait à des hommes éminents, sa cruauté gratuite (si différente des cruautés systématiques de Tibère), trouvèrent bientôt, dit-on, en lui un censeur. Sans doute, il y avait dans tant de fautes de quoi faire trembler pour la durée du pouvoir de celui qui en usait ainsi. Mais ne serait-ce pas plutôt que son crédit baissait et qu'Ennia n'était plus des parties de plaisir, ou bien serait-ce aussi que, prévoyant la prompte fin d'un règne si absurde, il voulait se ménager un parti pour profiter des événements et peut-être pour succéder? On ne peut en rien savoir : le fait est que, las de lui ou le craignant, Caligula le nomma préfet d'Egypte (n'est-ce pas là, disait-il, le comble des honneurs d'un chevalier, à ce que disait Auguste) mais comme il ne se hâtait pas de partir, l'empereur l'impliqua dans une conspiration ; et Macron ne vit plus d'autre ressource que de se donner la mort.
    Valentin Parisot.


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