• La bataille de Poitiers… et ses suites.

     

    Père, gardez-vous à droite… ou à gauche.

    Avertissement sans cesse lancé au roi de France Jean II le Bon, pressé par les ennemis au cours de la bataille dite « de Poitiers », le lundi 19 septembre 1356. C’est son quatrième fils, Philippe, âgé de quatorze ans, qui, selon le chroniqueur florentin Matteo Villani, l’aidait ainsi de son mieux, avant que le père et le fils ne soient obligés de se rendre au chevalier artésien Denis de Morbecque.

    Les combats se déroulèrent réellement sur les bords du Miosson, à Nouaillé-Maupertuis, le 19 septembre. Jean II et ses proches multiplièrent les fautes. Faire sortir de la bataille le dauphin et ses frères, sauf le jeune Philippe futur duc de Bourgogne, pouvait passer pour du réalisme politique mais ce fut une erreur qui incita bien des barons à limiter désormais les risques. Une fausse manœuvre du frère du roi acheva le désastre. Un habile mouvement tournant du captal de Buch, un assaut décisif de Chandos, et c’en était fait : le roi de France se rendait. On allait traiter le captif selon son rang, et le rançonner de même. 

    Cette bataille perdue par le deuxième roi valois de France fut un tournant important de l’histoire européenne. Le dauphin Charles (futur Charles V), rentré à Paris le 29, prend le titre de lieutenant général du royaume. Cette bataille fait la matière de la Complainte rimée de la bataille de Poitiers.
    Le soir de la bataille le prince de Galles invite à dîner Jean le Bon, qui est maintenant son prisonnier, à l’abbaye de Savigny ou au château de Chambonneau.

    Les Anglo-Gascons dressent le bilan de la « journée ». De leur côté, les pertes sont infimes : une quarantaine de morts chez les hommes d’armes et quelques dizaines d’archers et fantassins. Pour l’armée royale française, en revanche, elles sont imposantes : on relève les corps de 22 grands seigneurs et 2500 hommes d’armes ; de plus, on compte 3000 prisonniers, dont 14 comtes, 21 barons et 1400 chevaliers. En quelques heures, l’histoire a basculé et la légende d’Edouard de Woodstock le Prince Noir, qui s’est battu comme un lion selon Froissart, a pris une dimension nouvelle. Seul avec son armée de Gascons (parmi laquelle le fidèle Captal de Buch), d’Anglais et de Gallois, il a mis à genoux le royaume de France.

    Le pillage du camp français étant terminé le prince de Galles prend la direction de Bordeaux avec ses prisonniers. Le roi Jean II est retenu à Bordeaux pendant plusieurs mois, avant d’être transféré à Londres, où il entre le 24 mai 1357. Il y mourra le 8 avril 1364, non sans avoir été rendu à la France entre le 24 octobre1360, où il est libéré,  et le 2 janvier1364, où Jean le Bon quitte la France pour aller négocier sa rançon à Londres.

     

    Le 8 mai 1360 un traité de paix préliminaire est conclu à Brétigny, (actuellement sur la commune de Sours), près de Chartres. Il clôt la première partie de la guerre de Cent Ans. On revient au premier traité de Londres (1358). Le roi de France abandonne à Édouard III la pleine souveraineté sur toute l’ancienne Aquitaine, de Poitiers aux Pyrénées, ainsi que les comtés de Montreuil, Ponthieu et Guînes, plus Calais. Contre une rançon de 3 millions d’écus d’or, le roi d’Angleterre renonce (jusqu’en 1369) à revendiquer la couronne de France et la Normandie. La rançon va obérer les finances du royaume de France durant vingt ans.

     

    Qui étaient les négociateurs au traité de Brétigny ?

    D’abord l’envoyé du pape Innocent VI, Androin de La Roche abbé de Cluny, qui préside les négociations. Il est secondé par Hugues de Genève, seigneur d’Authon, et le général des dominicains. L’Angleterre est représentée par Henry de Grosmont  (duc de Lancastre), Thomas Beauchamp (comte de Warwick) et les comtes de Northampton et de Stafford.

    Le principal négociateur français est le maréchal Boucicaut, assisté de Jean de Dormans (évêque de Beauvais), de Jean II de Melun (comte de Tancarville) et de Charles Ier de Montmorency. Des proches du prince de Galles, tels Chandos et le Captal de Buch, seraient aussi présents d’après certains historiens.

     

    La « principauté d’Aquitaine ».

    Le 19 juillet 1362, la Guyenne (ancienne Gascogne anglaise et terres cédées par la France au traité de Brétigny) est érigée en principauté pour Edouard, prince de Galles, le Prince Noir.

    Le prince s’établit à Bordeaux pour y recevoir les hommages gascons en 1363.

    Le 5 octobre 1372, le Prince Noir, malade, renonce à sa principauté de Guyenne.

    De 1360 à 1372 Bordeaux a connu un certain « âge d’or ».


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  • Le prince de Ligne.

    « Je vois des gens qui se tiennent bien droits ; ils croient avoir de la droiture. Ils sont raides : ils croient avoir du caractère. »

    Charles-Joseph de Ligne (1735 – 1814).

     

    « Leygeb dit, et moi aussi à la vérité, qu’il a lu sur un vieux parchemin que nous descendons d’un roi de Bohême, et sur une tombe, je ne sais où, de Charlemagne, par un certain Thierry d’Enfer. Il dit encore que des généalogistes nous donnent la même tige que la maison de Lorraine et que d’autres prétendent que nous sommes une branche de celle de Baden. C’est l’avis aussi de l’électeur de ce nom qui me l’a dit lui-même.

    Il est vrai que nos armoiries sont absolument les mêmes et nos livrées aussi, à l’exception qu’au lieu du rouge et du cramoisi qu’ont ceux qui portent le même blason, nous avons la couleur des roses.

    …..

    Quand à l’origine dont je viens de parler, il faut bien qu’il y ait quelque chose de tout cela car mon père était diablement fier ; et puis ce qui me ferait croire qu’il y a du Charlemagne et du Vitikind dans notre sang, c’est que nous avons la Toison depuis quatre siècles et que nous sommes princes d’Empire depuis plus de deux. »

     Mémoires du prince de Ligne.

     

    Charles-Joseph de Ligne était fier de sa famille et avait une haute idée de sa noblesse, qui remonterait à des temps immémoriaux. Qu’en est-il réellement ?

    La généalogie des Ligne remonte au début du XIe siècle. Les manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne permettent de faire remonter la généalogie des Ligne au commencement du XIe siècle, à Fastré, surnommé d’Alsassen ce qui confirme les documents des archives privées de la famille, d’après lesquelles les Ligne sont issus d’Héribrand d’Alsace qui, s’étant établi en Hainaut et ayant hérité du chef de sa mère la terre de Ligne, en prit le nom et brisa les armes d’Alsace en changeant les couleurs.

    La famille de Ligne, issue de la noblesse féodale du Hainaut, est citée dès 1047 en la personne de Fastre de Ligne  et dont la filiation prouvée commence avec Thierry de Ligne, cité entre 1142 et 1176. Jean de Ligne, chambellan du duc Charles de Bourgogne,  fut reçu chevalier de la Toison d’or (brevet n° 90) avec Philippe d’Autriche, en 1481. La famille obtint beaucoup de titres et titulatures par la suite. Comte de Fouquemberghe en 1503. Titre de prince de Mortagne en 1513 concédé par le roi Henri VIII d’Angleterre en sa qualité de souverain du Tournaisis en faveur d’Antoine baron de Ligne. Ligne, situé dans la province belge du Hainaut près de Tournai, est élevé au rang de comté en 1545 pour le chef de Maison et toute la descendance. Le chef de la Maison de Ligne devient comte du Saint Empire en 1548.

    Titre de prince d’Épinoy par héritage en 1592 (Épinoy se trouve dans le département du Pas-de-Calais). Titres de souverain de Fagnolles, marquis de Roubaix et baron d’Antoing par héritage également en 1592. Rang de prince du Saint Empire (le Ier Reich allemand) concédé à Prague le 20 mars 1601 avec titre de prince de Ligne en 1602. Prince d’Amblise (Amblise se trouve dans le département du Nord) dans les Pays-Bas espagnols le 20 avril 1608. Grandesse d’Espagne de 1ere classe en 1643. Érection de la baronnie de Fagnolles en comté immédiat du Saint Empire à Vienne le 2 juillet 1770. Indigénat en Pologne avec le titre de prince à Varsovie en 1780. Admission au collège westphalien des comtes souverains du Saint Empire le 3 juillet 1788. Dédommagement de la perte de Fagnolles par l’ancien couvent du Saint Empire d’Edelstetten et par la promesse d’une voix virile au collège des princes du Saint Empire le 25 février 1803 (l’ancien couvent d’Edelstetten fut vendu le 22 mai 1804). Reconnaissance de noblesse et du titre de prince à tous les descendants en 1816. Autorisation belge au port du prédicat d’altesse le 31 mai 1923 en faveur de toute la descendance du 8e prince de Ligne. Autorisation belge au port du titre de prince d’Amblise et d’Épinoy le 22 octobre 1923 en faveur du chef de la Maison de Ligne.

    Parmi les membres les plus illustres de la Maison de Ligne est à citer Charles Joseph, 7e prince de Ligne.

     

    Charles-Joseph est né à Bruxelles le 23 mai 1735, et l’acte de sa naissance est bien enregistré à la paroisse de Sainte-Gudule. Par licence spéciale, le baptême se fit à l’hôtel de Ligne par l’aumônier du régiment du prince, sans la formalité ordinaire de l’imposition du nom réservée pour une solennité ultérieure, l’empereur Charles VI ayant accepté d’être parrain et ayant prié sa sœur l’archiduchesse Marie-Élisabeth, gouvernant des Pays-Bas, de tenir lieu de marraine. Il est le fils de Claude-Lamoral II, sixième prince de Ligne, et d’Elisabeth princesse de Salm. Charles-Joseph s’engage précocement dans la carrière militaire, en 1752, au service de l’Autriche. Le 6 août 1755, il épouse à Vienne Françoise-Marie-Xavière, princesse de Liechtenstein. Avec l’armée impériale autrichienne, il participe à la guerre de Sept Ans ; il prend part à la guerre de succession de Bavière (1777-1779) ; en 1789, aux côtés de Catherine II, il joue un rôle majeur dans la prise de Belgrade. Aussi à l’aise sur un champ de bataille que dans les salons des cours de Vienne, de Versailles ou de Moscou, le prince est l’ami des puissants de son époque : Marie-Thérèse d’Autriche, Marie-Antoinette, Joseph II, Frédéric de Prusse, Catherine de Russie, Potemkine, Madame du Barry (dont il fut un temps l’amant). Mme de Staël, elle, admire l’homme de lettres qui a correspondu avec Goethe, Voltaire et Rousseau, le passionné de galanterie complice de Casanova. Les Mémoires du prince témoignent d’une souveraine liberté de ton, d’une élégance de style et d’un véritable art de vivre.

    Il reçut de François II le grade de feld-maréchal en 1808.

    C’est ce prince qui devait trouver l’occasion d’un de ses derniers bons mots, lors  du congrès de Vienne qui avait débuté en septembre 1814 : « Le congrès ne marche pas, il danse. »

    Charles-Joseph de Ligne est mort à Vienne le 13 décembre 1814.

    Il fut le type accompli de l’aristocrate européen du XVIIIe siècle.

     

    Bibliographie complémentaire :

    1/ Biographie universelle ancienne et moderne, sous la direction de Louis-Gabriel Michaud,(1773-1858) ; article LIGNE (Charles-Joseph, prince de), Tome 24 page 525 colonne 1 à page 528 colonne 2.

    2/ Et, bien sûr, les Mémoires du prince de Ligne (Mercure de France, 2004).


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  • Septimania.Territoire des vétérans de la Légion VII (romaine).

    La Septimanie, appelée aussi à certaines époques Gothie.


    Région de la Gaule correspondant au Languedoc actuel. C’était, à la fin de l’empire romain, la Première Narbonnaise dont Narbonne est la capitale. Cette région s’étendait entre le Rhône et les Pyrénées et correspondait approximativement aux départements du Gard, de l’Hérault, de l’Aude et des Pyrénées-Orientales. Elle tirait son nom soit des sept villes principales qui y étaient comprises (Narbonne, Agde, Béziers, Maguelonne, Carcassonne, Elne, Lodève), soit du mot latin septimani, soldats de la VIIe légion, qui y avaient formé une colonie au début de l’époque impériale. Après leur défaite de Vouillé (en 507), les Wisigoths réussissent à maintenir leur domination sur la Septimanie grâce au roi ostrogoth Théodoric Ier le Grand. Ainsi les Francs et les Burgondes ne peuvent parvenir à la Méditerranée et les royaumes wisigoth et ostrogoth sont reliés par ce couloir. Les successeurs de Clovis tentèrent vainement de reprendre la Septimanie, d’abord Thierry et Clotaire, puis Gontran qui échoue devant Nîmes en 586 et devant Carcassonne en 589. La Septimanie pourtant ne fait pas vraiment partie intégrante du royaume wisigoth et elle est considérée comme « la terre des Gaulois ». En 672, le comte de Nîmes Hilderic et l’évêque de Maguelonne Gumild entrent en rébellion contre le nouveau roi wisigoth Wamba (élu le 19 septembre 672). Le comte hispano-romain Paul, envoyé par Wamba pour mater l’insurrection, en prend la tête et se fait oindre roi, avec l’intention de reconstituer une principauté réunissant Vasconie, Aquitaine et Septimanie. Le roi Wamba, durant l’été 673, envahit la Septimanie et prend Narbonne. Le duc Paul, aidé des Francs, résiste vainement dans la forteresse des arènes de Nîmes, il est contraint de capituler en septembre 673. Les Arabo-Berbères occupent la Septimanie en 725. Charles Martel ne peut les en chasser en 737, où eut lieu une bataille avec des pertes terribles des deux côtés « en Gothie dans un lieu appelé Birra », au sud-ouest de Narbonne.  Ce n’est que Pépin III  qui réussit à reprendre la Septimanie. Après la prise de Narbonne en 753, cette région fait définitivement partie du royaume franc. Elle prit alors le nom de marche ou de duché de Septimanie ou de Gothie.

    Charlemagne y installa des comtes et rattacha cette région au royaume d’Aquitaine en 781. En 793, les Arabes tentèrent de la reprendre (bataille de l’Orbieu). Les Hispani repeuplèrent la Septimanie et quelques grands monastères y furent fondés : La Grasse, Aniane, Gellone, etc.

    C’est là que la culture religieuse de l’Aquitaine carolingienne est la plus vivante.

    Au Xe siècle, la Septimanie devint le duché de Narbonne et passa aux comtes de Toulouse, qui la gardèrent de 918 à 1229 ; elle fut, à cette date, réunie à la Couronne.

     


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