• L'Aquitaine.

    « Gallia est omnis divisa in partes tres, quarum unam incolunt Belgae, aliam Aquitani, tertiam qui ipsorum lingua Celtae nostra Galli apellantur ». Traduit en français moderne cela donne : « Toute la Gaule est divisée en trois parties, dont l’une est habitée par les Belges, l’autre par les Aquitains, la troisième par ceux que nous appelons Gaulois, et qui dans leur langue se nomment Celtes ». Cette phrase célèbre qui ouvre le De Bello Gallico – La Guerre des Gaules – de Jules César, est la première mention connue de l’Aquitaine. César précise un peu plus loin : « l’Aquitaine va de la Garonne aux Pyrénées, elle est tournée vers le nord-ouest. » Cette division ethnographique qui opposait Aquitains et Gaulois fut modifiée par Auguste en –27. Il fit une province «des Aquitains tels que César les avait délimités, mais en leur ajoutant quatorze peuples qui occupent le territoire sis entre le cours de la Garonne et celui de la Loire », en particulier les tribus du Comminges et du Couserans. La civilisation romaine fut donc appliquée uniformément sur ce double substrat ethnique, et le nom d’Aquitaine s’étendit alors aux douze peuples gaulois installés entre l’Océan et les Cévennes. Cette grande Aquitaine fut remaniée par Dioclétien. Il l’engloba dans le diocèse des Sept Provinces, restitua à l’ancienne Aquitaine ethnographique de César son existence, mais sous le nom de Novempopulanie, et divisa le reste en deux. De 355 à 368, ces deux Aquitaines d’entre Loire et Garonne furent fusionnées, puis de nouveau séparées. Le diocèse du nord était appelé Gallia, celui du Midi Aquitania ou encore Septem Provinciae. Cette division de la Préfecture des Gaules en deux était déjà symptomatique. Le diocèse du nord était bordé par la frontière avec les Germains, celui du Midi regardait vers Rome. D’ailleurs le chef-lieu de ce dernier où devait résider le vicaire, fut d’abord Vienne, puis il fut transféré à Bordeaux en 355. C’est dire combien la «seconde moitié du IVe siècle a été pour le diocèse d’Aquitaine tout entier et pour son chef-lieu Bordeaux, une période de paix, de prospérité et de progrès ». Visiblement la zone gauloise méridionale située en deçà de la Loire et de Lyon prend une place déterminante à cette époque. Elle fut accentuée en 407, par le repli du préfet du prétoire depuis Trèves jusqu'à Arles où vint aussi se réfugier le vicaire des Sept Provinces qui abandonna Bordeaux à la suite des invasions de l'année précédente. L’Aquitaine était donc composée de trois provinces romaines, Aquitaine première (chef-lieu Avaricum, Bourges) ; l’Aquitaine seconde (chef-lieu Burdigala, Bordeaux) ; la Novempopulanie (chef-lieu Lugdunum Convenarum, Saint-Bertrand-de-Comminges, puis Elusates, Eauze, puis Elimberris Auch).

    Conquise en 419 par les Wisigoths, l’Aquitaine fut réunie aux possessions franques par Clovis, après sa victoire de Vouillé en 507, mais, à l’époque mérovingienne, elle ne cessa pratiquement pas d’être un duché indépendant qui passait à divers parents des souverains francs.
    Le royaume de Chramne (533 – 560), fils de Clotaire Ier et de Chunsine, est le premier royaume mérovingien d’Aquitaine. Entre 561 et 587, l’Aquitaine connaît une des périodes les plus épouvantables de son histoire. Pendant plus de vingt-cinq ans, et surtout à partir de 568, il y a toujours au moins un territoire où l’on brûle, pille, dévaste avec sauvagerie. Les deux principaux groupes de protagonistes sont, d’une part les mérovingiens neustriens, Chilpéric, Frédégonde, Clotaire II, de l’autre les mérovingiens austrasiens, Sigebert, Brunehaut, Childebert II. Entre les deux, va, volte, et virevolte le «bon roi Gontran », sorte de Homais superstitieux et cruel. A chaque mort ou assassinat d’un roi, la guerre civile rebondit. Pour corser le tout, l’Aquitaine, lasse de ces guerres, va se lancer dans une nouvelle tentative d’indépendance, la troisième en cinquante ans, avec cet invraisemblable et naïf aventurier que fut Gondovald (561 – 585).
    En 602, pour la première fois, la chronique du Pseudo-Frédégaire emploie pour désigner l’antique Novempopulanie le nouveau terme « Gascogne ». Un «duché » de Gascogne est créé, vassal de l’Austrasie et de la Bourgogne.
    En 629, le roi des Francs Dagobert Ier fait de l’Aquitaine un royaume satellite au profit de son jeune frère Charibert. Mais lorsque ce dernier meurt, en 632, il n’est pas remplacé. Il est enterré à Saint-Romain-de-Blaye. Dagobert est roi d’Aquitaine jusqu’à sa mort, en 638. A partir de 639, les partages reprennent. On mentionne vers 673, et jusqu’en 676, un duc d’Aquitaine nommé Loup.
    Vers 700 apparition d’une «principauté » d’Aquitaine, qui a pour ducs successifs Eudes (700-735), son fils Hunald Ier (735-745) mort à Rome en 756, Waifre(745-768) et enfin Hunald II(768-769), massacré à Pavie en 774. Ces quatre ducs d’Aquitaine auront constamment à défendre la principauté contre les invasions sarrasines (commencées en 720) et aussi, surtout, contre les attaques systématiques et impitoyables menées par la dynastie austrasienne des Pépinides, qui finira par annexer l’Aquitaine après de dures luttes faites de massacres et de destructions, et le meurtre du duc Waifre.

    " Le sort des otages aquitains livrés en 768, pour écraser définitivement les révoltes pour l’indépendance du pays, fut terrible. Regroupés et dirigés par Lambert Aganus, fils alors mineur d’Aganus, seigneur de Turenne, ils furent mis en surveillance à Aix-la-Chapelle. Ils y restèrent jusqu’en 823, soit cinquante-cinq ans ! Quinze ans plus tard, en 838, l’Aquitaine se souleva de nouveau."


    En 768 Pépin le Bref renforce l’implantation carolingienne par le capitulaire de Saintes, qui organise l’Aquitaine. Charlemagne, dans la même intention, en 778, constitue le duché en royaume, qu’il va confier à son fils Louis, né à Chasseneuil du Poitou, dès que celui-ci aura dépassé l’âge critique de trois ans. L’Aquitaine s’étend alors jusqu’à la basse Loire et comprend les comtés de Berry, d’Auvergne et du Velay.
    En 779, le roi Charlemagne nomme une série de nouveaux comtes en Aquitaine : en Berry, Humbert, un Franc, ancien rallié qui finit très vite par être remplacé par Sturbius, en Poitou Abbon, en Périgord Widbod, en Auvergne Ithier, en Velay Bull, à Toulouse Chorson, à Bordeaux Seguin, en Albigeois Haimoin et en Limousin Hrodgar. Les autres furent laissés en place. Il nomma aussi des abbés et implanta des groupes de guerriers francs « que l’on appelle vulgairement vassaux » comme le dit l’auteur limousin anonyme de la vie de Louis le Pieux.
    Le 15 avril 781, Louis (futur empereur Louis le Pieux ou le Débonnaire) est sacré roi d’Aquitaine. En 817, le royaume échoit au fils de Louis, Pépin Ier (d’Aquitaine). Après la mort de ce dernier, survenue le 13 janvier 838, son fils Pépin II lui succède. Les grands d’Aquitaine se soulèvent à nouveau contre le prétendant  imposé par Charles le Chauve.

     
    En 840 : mort, à Ingelheim, le 20 juin, de l’empereur Louis Ier.


    Pépin II, roi d’Aquitaine de 838 à 852, fut dépouillé à nouveau de l’Aquitaine au traité de Verdun en 843, mais il réussit pourtant à s’y maintenir et força Charles le Chauve à le reconnaître en 845. Charles fut cependant élu roi par les Grands d’Aquitaine le 6 juin 848, il s’empara de Toulouse en 849 et de Pépin lui-même en 852. Evadé, Pépin s’allia aux Normands et finit en aventurier : repris par Charles le Chauve en 864, il fut condamné à mort puis gracié et finit ses jours dans la prison d’un monastère de Senlis.
    Vers 852 : Sánchez  Mittara fonde un duché héréditaire de Gascogne. Charles le Chauve s’empare définitivement de l’Aquitaine en 856, après y avoir nommé un duc, Raynulf ou Rannoux Ier, comte de Poitou.
    En 867, l’Aquitaine, soumise par Charles le Chauve, est donnée par lui à Louis le Bègue.

     A la mort de Louis le Bègue, en 879, l’Aquitaine redevient duché. Elle dépend successivement du comte de Poitiers, de l’Auvergne, du comte de Toulouse puis de nouveau des Poitevins en 951.
    De 951 à 1137, la dynastie poitevine, reconnue par les Capétiens après 987, règne sur l’Aquitaine, qui connaît une brillante période. En 1036, le duché de Gascogne passe par mariage au duc d’Aquitaine.
    En 1137, Aliénor, fille du dernier duc, épouse le futur roi de France Louis VII, dont elle aura deux filles ; l’Aquitaine est rattachée à la Couronne.
    En 1152 : Aliénor épouse Henri Plantagenêt, après l’annulation de son mariage avec Louis VII.
    En 1154 : Henri II Plantagenêt devient roi d’Angleterre.
    En 1170 : le troisième fils d’Henri et d’Aliénor, Richard, le futur Cœur de Lion, est instauré solennellement duc d’Aquitaine et comte de Poitou. En 1196 Richard, devenu roi, instaure Othon de Brunswick comte de Poitou et gouverneur de toute l’Aquitaine. Mais Othon doit prendre la route de l’Allemagne à la fin de l’année 1197, car il a été élu empereur. Il ne reverra plus l’Aquitaine.
    Après les préliminaires de Brétigny et la paix de Calais de 1360, les possessions du Sud-Ouest aquitain sont érigées, le 19 juillet 1362, en une principauté confiée au Prince Noir. La grande Aquitaine du début du XIIeme siècle est reconstituée. Elle durera jusqu’au 5 octobre 1372, date à laquelle le prince, malade, doit renoncer à sa principauté, durement attaquée et reconquise partiellement par les Français.L'Aquitaine du Prince Noir.
    En 1453 : Charles VII conquiert définitivement la Guyenne, qui redevient française.


    Comme on peut le voir dans ce bref résumé historique l’Aquitaine politique fut une région aux frontières mouvantes suivant les époques. Sans parler des provinces romaines d’Aquitaine, trois royaumes mérovingiens d’Aquitaine puis un royaume carolingien de ce nom se succédèrent. Au Moyen Âge le duché d’Aquitaine atteignit sa plus grande étendue en 1154, puis lorsqu’il fut érigé en principauté pour le Prince Noir, après le traité de Brétigny de 1360.
    La région Aquitaine actuelle, créée en 1963 et composée de cinq départements français du sud-ouest est bien petite par rapport à ses ancêtres. La future région en gestation – composée des actuelles régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin – formera une entité retrouvant un peu ses frontières de 1154 ou 1360 mais en plus petit, puisqu’il manquera l’Auvergne, une partie du Berry, ou même le Quercy (par rapport à 1360), entre autres ! Donc, d’un point de vue historique il est inutile de changer son nom. Les habits des anciennes Aquitaines sont assez vastes pour y reloger la nouvelle « grande Aquitaine ».


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