• A propos des successeurs de Clovis Ier : la « première branche des rois d’Austrasie ».
    A la mort de Clovis son « royaume » fut partagé entre ses quatre fils :
    Thierry Ier (Teutrich),  roi de Reims, Clodomir roi d’Orléans, Childebert Ier roi de Paris, et Clotaire Ier roi de Soissons. Les quatre portent le titre de « rex francorum ».
    Les trois derniers cités avaient pour mère Clotilde. Mais Thierry, né vers 485 et l’aîné des fils de Clovis, avait pour mère une aristocrate rhénane proche de Sigebert de Cologne et qui fut la première épouse (ou concubine ?) de Clovis. A la demande de son père, Thierry conquiert et occupe l’Auvergne et les régions méridionales en 507. En 511 il devient roi de l’ancien royaume de Cologne et de la Champagne, plus l'Auvergne et une grande partie de l'Aquitaine. Le monogramme royal apparaît sur les monnaies de Thierry, qui est en effet le plus puissant des fils de Clovis. Il envoie en 525 son fils Théodebert arrêter le débarquement des Danois. En 523 il n’envahit pas la Burgondie  car il est le gendre du roi Sigismond par sa seconde épouse Suavegotha épousée vers 516. Mais après la mort de Sigismond, il se joint à ses frères pour battre Godomar à Vézeronce le 25 juin 524.
    La mort de Clodomir lors de cette bataille pousse Childebert Ier et Clotaire Ier à se détourner du dépeçage de la Bourgogne pour se partager le royaume d’Orléans. Ils font assassiner deux des fils de Clodomir ; le troisième fils Clodoald  réussit à s’échapper et devient moine, il sera le futur saint Cloud. Childebert reçoit ainsi Bourges, Clotaire s’octroie Tours et Poitiers. Thierry met la main sur Berry, Auxerrois et Sénonais, afin de relier l’Auvergne à son royaume rhénan.
    Ainsi prend forme la future Austrasie et il n’y a plus que trois royaumes francs. Il intervient ensuite en Thuringe pour aider Hermanfried contre son frère Badiric. Quelques années après il collabore avec son demi-frère Clotaire et les Saxons à la conquête de la Thuringe qui est partagée entre les vainqueurs. Poussant plus loin Thierry soumet les Bavarois et mate le prince rhénan Mundéric qui revendiquait pour lui le royaume de Cologne.
    Au retour de ces expéditions il doit soumettre le « sénateur » arverne Arcadius. Il dévaste alors l’Auvergne  et installe son parent Sigivald qu’il fera d’ailleurs tuer quelque temps après.
    En 533 Thierry charge son fils Théodebert d’occuper définitivement les cités méridionales de l’Aquitaine orientale qui étaient encore sous contrôle des Goths  c’est-à-dire Rodez, Lodève, Nîmes, mais Théodebert ne peut prendre Arles.

    Thierry et Suavegotha eurent aussi une fille, Théodechilde (Telchilde), qui épousa Hermengisel, roi des Warnes, puis son fils Radegisel. Elle se retira en Gaule après 571, donna à l’église de Reims le domaine de Verzy et fonda le monastère de Saint-Pierre-le-Vif de Sens. Elle mourut âgée de soixante-quinze ans.
    Thierry Ier meurt à la fin de l’année 533 et est inhumé à Metz.

    Théodebert Ier (Teutbert) devient roi de Reims (Austrasie) à la mort de son père. Sa mère est une fille d’Alaric II  roi des Wisigoths ( Eustère ?). Son oncle Childebert tente de le dépouiller de son royaume puis l’entraîne à lutter contre Clotaire Ier. Héritant de la partie orientale de la Gaule, Théodebert cherche à l’agrandir, soit en luttant contre les Saxons ou en intervenant en Thuringe. En 534, ayant achevé avec ses oncles Childebert Ier et Clotaire Ier de soumettre le royaume de Bourgogne, il acquiert une partie des territoires burgondes d’une ligne Allier-Loire au lac de Constance. Il y gagne Nevers sans doute, Langres, Besançon, Avenches, Windisch, Sion, Autun, Chalon, Vienne et Viviers. Il conquiert une partie de la Provence et pratique alors une audacieuse politique méditerranéenne. Alors qu’il était fiancé à la Lombarde Wisigarde, il épouse en 534 Déotéria, une patricienne gallo-romaine de Béziers. Procope nous dit qu’au grand scandale des Byzantins il fit donner des jeux hippiques en Arles et, surtout, fabriquer une pièce d’or non pas à l’effigie de l’empereur mais à sa propre effigie. Ce sou d’or porte la devise Pax et Libertas.
    Théodebert alors intervient en Italie. Moyennant la cession de la Provence, il fait un accord avec les Ostrogoths contre les Byzantins. Il aide Vitigès à assiéger Milan en 538, envahit l’Italie du Nord l’année suivante, s’empare de la Vénétie et même, dit-il dans une lettre à Justinien en 540, de la Pannonie. Peut-être songeait-il à attaquer l’Empire byzantin par la vallée du Danube. Justinien lui oppose alors les Lombards.
    Grégoire de Tours fait l’éloge de Théodebert, un roi pieux et bon, qui défendit les églises d’Auvergne contre les agents du fisc. Mais il dit également qu’après la mort du roi, le maître des offices, le Provençal Parthénius, fut tué par les Francs qui ne supportaient pas sa politique fiscale (sic). Marius d’Avenches fait également l’éloge de Théodebert, rex magnus Francorum.
    Théodebert est l’homme fort du moment, alors que Clotaire Ier est le plus faible des trois rois francs, et que la mort de Théodoric le Grand en 526 a sonné l’agonie du royaume ostrogoth d’Italie-Provence.
    Sa capitale est Reims, mais le siège de Cologne conserve une importance majeure.
    Ce prince ambitieux, vaillant et habile, meurt en 548, tué par une branche d’arbre qui le désarçonne de son cheval. Il fut l’un des plus prestigieux des rois mérovingiens.

    Le sou d’or de Théodebert Ier.

    Vers 539  les troupes de Théodebert passèrent en Italie. Il fit à cette occasion frapper un solidus (sou) d’or à son effigie, prérogative jusque-là réservée aux empereurs. L’historien goth Jordanès notait : « Ce que les Perses n’auraient osé faire, les Francs y ont réussi en Gaule. »

    Le sou de Théodebert porte au droit son effigie de face, dans le style des bustes impériaux du Bas-Empire. La légende est DN THEODEBERTVS VICTOR (Notre seigneur Théodebert, victorieux). Le revers porte le type de la Victoire et la légende romaine traditionnelle VICTORIA AVGG (Victoire de l’empereur).



    Théodebald Ier (Teutbald ou Thibaud) succède donc à son père Théodebert Ier en 548.
    Il a quinze ans à la mort de son père mais est déjà assez malade. Durant son court règne de sept ans, dont sa tante Théodechilde est  régente au début, il n’a pas pu réaliser grand-chose. Ses Austrasiens continuèrent cependant à intervenir en Italie : une armée franco-alamane, sous le commandement de Bucelin, fut battue par Narsès près de Capoue.
    Théodebald épousa la Lombarde Waldrade, sœur de Wisigarde, mais n’en eut pas d’enfant.
    IL mourut à l’âge de vingt-deux ans, en 555, n’ayant pas de successeur.
    Théodebald est le premier souverain gallo-franc, issu d’un « barbare » et d’une Gallo-Romaine, Déoterie. En Thibaud fusionnent la race sacrée mérovingienne et une grande famille sénatoriale méridionale. Il est l’incarnation de la politique de rapprochement entre barbares et Romains. La fusion des aristocraties franque et gallo-romaine atteint désormais le sommet de la société. Michel Rouche fut, je crois, le premier à insister sur ce fait.

    Clotaire Ier hérite en 555 du royaume de son petit-neveu et inaugure ainsi la deuxième branche des rois d’Austrasie.


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  • Les Francs.

    On lit pour la première fois le nom de Franci dans un compte rendu de campagne militaire aux confins de la Gaule et de la Germanie dans les années 240. Naturellement il s’agit de pointer une victoire, celle du futur empereur Aurélien. Ces Francs sont-ils les descendants de ces Sicambres que signalaient déjà en Germanie, pour l’époque d’Auguste et dans des circonstances analogues, Tacite et Suétone ?
    Le césar Julien dit l’Apostat autorise un groupe de Francs à s’établir dans les basses vallées du Rhin et de la Meuse, dans une région appelée Toxandrie, à peu près l’actuel Brabant, par un accord, voire un traité, officiellement conclu en 358. Cet épisode présente l’intérêt de faire apparaître pour la première fois, du moins dans un écrit parvenu jusqu’à nous, le nom de Saliens pour désigner le groupe franc concerné, celui dont est issu, on le sait, le clan des Mérovingiens. Les Francs sont à l’origine de différents noms : la France bien sûr mais aussi la Franconie (Franken) ou Francfort, par exemple.
    L’origine des Francs, qui ont donné à la France sa première dynastie royale et son nom, a fait l’objet de multiples controverses depuis l’époque mérovingienne. Pour Grégoire de Tours, historien du VIe siècle, ces Germains établis à l’embouchure du Rhin seraient venus de Pannonie (cours moyen du Danube). Dès l’époque carolingienne et jusqu’au XVIIIe siècle, des considérations mythologiques situèrent leur patrie primitive en Phrygie et plus précisément à Troie, comme Ronsard le chanta dans la célèbre Franciade. Parallèlement, d’autres érudits considérèrent les Francs comme originaires de Scandinavie, théorie qui récemment encore a eu des adeptes. C’est seulement en 1714 que Nicolas Fréret proposa que ce peuple était né de la fédération de tribus germaniques ayant combattu les Romains sur le Rhin. Jugée comme « attentatoire à la dignité de la monarchie françoise » par l’abbé de Vertot, cette théorie moins séduisante ne s’imposa définitivement qu’avec Fustel de Coulanges en 1891.
    Appartenant à la famille des Germains occidentaux et à son sous-groupe archéologique le plus occidental (dit « Rhin-Weser »), les Francs n’apparaissent donc que tardivement sous ce nom dans l’Histoire. Ils désignent à partir du milieu du IIIe siècle une ligue militaire qui, à l’imitation de celle formée quelques décennies auparavant par les Alamans (de alle, ala = tous, et man = hommes), regroupa progressivement un certain nombre de tribus de la rive droite du Rhin inférieur : Chamaves, Chattuaires, Bructères, Usipètes, Tenctères, Tubantes, Ampsivariens et Saliens. Leur fédération tira son nom de frekkr, fri, qui signifiait en vieux norrois hardi, courageux.
    Jusqu’à la grande invasion barbare de 406-407, la plupart des Francs demeurèrent hors de l’Empire. Tandis que les tribus rhénanes, aux côtés des Alamans, affrontaient Rome sur terre, les tribus côtières s’illustraient par leurs actes de piraterie au même titre que leurs voisins Frisons et Saxons. Dès la fin du IIIe siècle, les Saliens, tribus franques des bouches du Rhin qui devaient engendrer la dynastie mérovingienne, délaissèrent leurs activités maritimes et s’infiltrèrent en Batavie (Pays-Bas actuels), profitant de la mauvaise défense ou de l’abandon de ces territoires marécageux. La défense romaine les stabilisa cependant au IVe siècle en Toxandrie (actuel Brabant du nord). Autant qu’on en puisse juger par l’archéologie, les Francs ne disposaient pas alors d’une culture matérielle réellement spécifique, à la différence des Germains de l’Elbe par exemple, et ils ne nous sont connus sur la rive droite du Rhin que par des incinérations au mobilier funéraire modeste et par la diffusion d’un type de céramique dit « proto-franc ». D’autres Francs vécurent aussi dans l’Empire dès la seconde moitié du IIIe siècle, comme l’attestent les sources écrites. Certains d’entre eux, vaincus, furent installés en Gaule comme « lètes » ou dediticii, c’est-à-dire « soumis sans condition » : astreints à un service militaire héréditaire, ils étaient chargés de remettre en valeur les terres pour le compte de l’Etat ou des grands propriétaires. A titre collectif, d’autres s’engagèrent comme auxiliaires dans l’armée romaine, servant en Egypte ou au Proche-Orient. D’autres encore, à titre individuel, firent des carrières militaires souvent remarquables, tel Mérobaude, généralissime de Valentinien en 375, ou Bauto, tuteur militaire de Valentinien II de 380 à 387.
    A la différence des Francs de l’Ouest, et notamment des Saliens, les Francs de l’Est ou Francs rhénans, connus sous le nom de « Ripuaires » à partir du VIIe siècle, ne cessèrent de harceler les garnisons romaines de Germanie supérieure. Entraînés par la combativité de leurs voisins alamans, ils s’emparèrent ainsi à plusieurs reprises de Cologne, Mayence et Trèves, sans parvenir pour autant à contrôler effectivement la rive gauche du Rhin moyen. Peu avant le milieu du Ve siècle, cependant, le roi salien Clodion battit, selon Grégoire de Tours, les Romains et s’empara d’Arras avant d’être à son tour vaincu et repoussé. Il semble que cet ancêtre de Clovis ait alors conclu un foedus (ou traité, d’où le nom de « fédérés » donnés aux barbares alliés de Rome) avec le maître de la milice des Gaules Aetius. C’est sans doute à ce titre que les Saliens participèrent à la coalition montée en 451 par le général romain contre Attila, préfigurant ainsi la politique d’alliance de Childéric (mort en 481-482), puis du fils de celui-ci, Clovis (mort à la fin de l’année 511),  avec les derniers représentants de l’autorité romaine en Gaule, Aegidius, le comte Paul puis Syagrius.
    Entreprise par Clovis à partir de 486-487, la conquête de la Gaule ne s’accompagna pas, comme on l’a longtemps soutenu, d’un phénomène de colonisation massive. En effet, à l’exception de la rive gauche du Rhin où la progression de la langue germanique fut la conséquence d’une implantation franque majoritaire, le latin demeura la langue commune du restant de la Gaule où les Francs, tout en imposant leur domination, furent minoritaires. C’est ce que confirme l’archéologie funéraire puisque dès l’achèvement de la conquête, sous les fils de Clovis (en 536), l’identification de la population de souche franque devient problématique.
    Dès la seconde moitié du VIe siècle, d’ailleurs, tous les habitants de la moitié nord de la Gaule se reconnaissent comme Franci, par opposition aux Romani de la moitié sud du pays, preuve de l’accomplissement de la « fusion progressive » entre Gallo-Romains et Francs et de la naissance, selon l’expression de Ferdinand Lot, d’un « patriotisme gallo-franc ».


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